L'histoire par le trou de la serrure de 1980 à 1999

De Wikicitoyenlievin.

                                                        1983  Ma dernière 2 CV



C’était un de ces soirs d’automne où l’on est bien mieux au chaud que sur la route.

La pluie était tombée toute la journée avec des bourrasques de vent qui tourbillonnaient et vous mouillaient jusqu’aux os.

Je préparais le repas du soir en attendant ma femme qui devait rentrer de son travail à Carvin.

La nuit rendait encore plus précieux la chaleur d’un foyer.

Le téléphone sonna. « -Monsieur HENAUT ?- oui…

-Votre épouse vient d’avoir un accident au 4 de Lens…

-Comment va-t-elle ? – Je ne peux rien vous dire au téléphone …

-Où a eu lieu l’accident ?

Dans la cité du 4 au croisement des rues Saint Théodore et Saint Amé…

- J’arrive … »

Durant les cinq minutes de trajet, mille questions me montaient à la tête.

Un attroupement d’une cinquantaine de personnes bloquait le carrefour.

Je m’approchai d’un policier qui prenait la déposition d’une dame qui avait vu l’accident en sortant de chez elle pour fermer ses volets.

Je découvris alors la scène.


                                                   Fichier:2_cv.jpg


Ma 2 CV était couchée sur le côté, coupée en deux, encastrée entre la première maison de la cité et un gros platane.
Les roues côté rue, toute la partie vitrée explosée : plus de pare brise, de fenêtres, plus de capote…la porte du coffre qui volait au vent !

Mon sang se glaça. Comment survivre avec de tels dégâts ?

Le policier m’indiqua que ma femme était dans l’ambulance. Je présentai le pire. Je m’approchai, ouvris la porte arrière…Personne !

Une dame me cria « -Elle est devant. »

Trois pas et, elle était là …discutant avec l’ambulancier

« Comment tu vas ? Comment es-tu sortie ?

- A quatre pattes par le coffre ?

- Qu’est-ce qui est arrivé ?

- Je sais pas , j’ai rien vu !!! »


                                               Fichier:cité_4.jpg


Je retournai voir le policier qui finissait de prendre la déclaration quand une voiture arriva par la rue Saint Théodore.

L’agent de police se fraya un chemin parmi les personnes pour faire libérer le passage quand une dame l’attrapa par la manche et cria :

« C’est la voiture ! »

Le policier fit garer la grosse Peugeot . « Monsieur Mohammed K. » ne se souvenait de rien…peut-être un petit choc…mais avec la pluie !

Le pare choc avant gauche et son aile, eux, se souvenaient du choc et de la couleur bleue de ma « dedeuche ».

Il rejoignit le fourgon pour sa déposition pendant que la dépanneuse extirpait ma 2 CV de sa position .

Le vent finissait de libérer de mon coffre éventré les dernières affiches électorales qui auraient dû fleurir sur les murs de Liévin et qui tapissaient maintenant tantôt à

l’endroit, tantôt à l'envers tout le carrefour.

Ah quoi peut se perdre une élection ! ( Je plaisante…)

Monsieur Mohammed B. pourra relire le roman de James M. CAIN : « Le facteur sonne toujours deux fois. »




                                            1984  septembre JUMELAGE


L'autocar ramenait les liévinois de Hohenlimburg après leur séjour dans les familles d'accueil.

Comme d'habitude, ce trajet sur autoroute sans intérêt, laissait tout à chacun reprendre un peu de force après plusieurs repas à la cochonnaille et aux bières accompagnées

de chnaps.

C'est ce moment que ma femme choisit pour me dire :

« -Demain, tu te débrouilleras tout seul pour ton repas de midi, je n'aurai pas le temps ce soir ! »

Ce à quoi, le couple dont nous avions fait connaissance et qui occupait la banquette à côté de la notre, répondit :

« -Il peut jeûner... »


                                           Fichier:marichelles.jpg Les Marichelles


Puis avec le plus grand sérieux :

« -Nous pouvons vous donner à dîner. Dans la cave de notre tour ( aux Marichelles), mon mari a fait des étagères et elles sont remplies de boîtes de conserves.

On peut tenir un an sans faire de courses... On est des permanents aux « restos du cœur », et on a fait le plein !!! 

LES ENFOIRES, aurait dit son créateur.

Nous n'avons jamais revu ce couple.




                                              1985.03.10 Soirée d élections



La salle des fêtes de la mairie brillait de ces soirs d'élections où tous pouvaient encore y croire.

La grande porte laissée ouverte donnait un peu de fraîcheur. La fumée des cigarettes, sous les lustres, s'étalait dans un nuage mouvant au gré des courants d'air.

Un brouhaha de circonstance faisait penser à l'entrée d'une ruche par un beau jour d'été. Tous attendaient les résultats qui arrivaient émiettés de bureaux en bureaux.

Entouré de mes amis, la conversation était ponctuée de « si » !

Et si j'étais élu, et si j'étais battu, et s' il y avait un ballottage...et si...et si...

19h15, l'heure du verdict approchait.

Jean Claude D. un ami des premiers jours, vint de dire à l'oreille : « le candidat du FN est à la porte avec sa femme »...Personne de le connaissait et ne l'avait vu.

Son tract de campagne indiquait seulement qu'il était « mineur ».

Reculant discrètement tout en discutant, je me rapprochais de la sortie. Le couple était là, appuyé contre la porte... Ils étaient seuls...

La vue de cet homme déboussolé et de sa femme accrochée à son bras sera pour moi un sujet de réflexion.

                                         Jusqu'où peut-on aller en politique ?

Cet homme, que je pense brave et dont j'ai oublié le nom, était-il conscient de son engagement ?

Des applaudissement accueillirent l'arrivée du Maire avec des résultats conformes aux habitudes.

Quelques poignées de mains compassionnelles se voulurent amicales et chacun regagna la sortie.


                                                        Fichier:mairie.jpg mairie


Sur les marches du perron, quelques sympathisants me saluèrent pendant que mon regard se retournait une nouvelle fois vers ce couple qui descendait à grandes enjambées...

Lui dans son costume trop grand, elle avec un manteau de fourrure s'accrochait plus que jamais à son bras.

Nos regards se croisèrent et me montrèrent la profondeur de leur angoisse, de leur peur... J'ai ressenti pour eux le vide qui les entourait ...

C'est aussi ça la politique.



                                             1987 Samedi 15 août Bellewaerde



Nous avions décidé de faire un pique nique au parc de Bellewaerde en Belgique.

Pas le petit pique nique, non, LE PIQUE NIQUE

Avec nos amis Bibi, Annick et leur deux fils Franck et Frédéric , nous nous avions réparti les tâches : eux les entrées et nous le plat de résistance.

Nous arrivâmes donc sur place sur les coups de midi.

Toutes les places semblaient occupées, sauf un parasol au bord de la rivière avec quatre chaises.

Que diable, la jeunesse s’assiérait dans l’herbe et sur les murets autour.

Commença alors le malheur de nos voisins acharnés sur un sandwich coriace.

Le premier bouchon de champagne attira tous les regards et les huit flûtes de verre se remplirent d’un breuvage vrai, sorti de la glacière aux vins.

Quelques biscuits apéritifs, puis nous attaquâmes les entrées.

Une petite terrine de pâté campagnard s’installa au milieu des asperges, des tomates et des radis.

Les baguettes fraîchement achetées à Lens cassèrent avec ce craquement qui annonce son goût. Une bouteille de rosé remplaça le champagne dans des verres à vin.


                                                       Fichier:pâté.jpg
            

Un dernier coup de croûton beurré pour assécher l’assiette et la grosse terrine en grès laissa apercevoir un pâté de lapin à la provençal en morceaux.

Les haricots verts cueillis la veille furent les biens venus avec des pommes de terre nouvelles en salade.

Le bouchon d’une bouteille de Saint Emilion avait secoué une nouvelle fois l’oreille des passants.

Annick sortit alors un Paris Brest que lui avait confectionné sa voisine.

Une deuxième bouteille de champagne arrosa ce gâteau crémeux à souhait.

Enfin , la bouteille thermos nous offrit une tasse de café avec un petit verre de Calvados du meilleur crû.

Nous étions à la fin du repas et quinze heures s ‘annonçaient à nos montres.

Après un bref retour à nos voitures pour ranger nos quatre glacières et se faire tamponner le dos de la main au portail, nos pûmes attaquer le parc de jeux dans les

meilleures dispositions.


                                                         Fichier:parc.jpg


La descente de la rivière en radeaux ronds de caoutchouc nous secoua à ravir et en même temps que je recevais un paquet d’eau au visage , atterrit une montre sur mes genoux.

Je la rangeais sans rien dire dans ma poche.

A la fermeture du parc, nous nous retrouvâmes devant nos voitures, mouillés jusqu’aux os.

« Merde, j’ai perdu ma montre !… »

Bibi se désolait d ‘avoir ainsi égaré un cadeau de sa maman.

« Tu paies un coup et tu la retrouveras… »

« Tu sais je te paierais bien un coup sans ça, me dit-il. »

Tout le monde reprit le chemin de Lens à petite vitesse jusqu’au chemin Manot , pour un Barbecue.

Bibi prépara le pastis et la magie sortit de ma poche la montre « retrouvée ».

Quand je vous dis que tout est bien qui finit bien !

À suivre