L'histoire par le trou de la serrure de 1960 à 1979

De Wikicitoyenlievin.

                         Fichier:Ma_tête.jpg  Vous pouvez me joindre au mail suivant :         lelievinois@gmail.com 






              1973 mars  "La pénétrante de Liévin


Nous rentrions cette nuit-là par la forêt de Vimy avec les lièvres qui sautillaient dans les halos des phares de la « dedeuche » qui perçaient la brume.

La récente journée de repos scolaire du mercredi nous permettrait de récupérer sans problème.

La sonnerie du réveil avait était mis sur « fermer ». (Maintenant, il faudrait la mettre sur « off »...)

Rien ne pourrait nous réveiller dans notre chalet au fond du jardin de la rue Henri Martin.


                                        Fichier:pénétrante1.jpg   avant les travaux... les WC au fond à gauche !



Huit heures moins le quart, les enfants dorment, je peux me retourner dans le lit et essayer de retrouver « Morphée ».

Ma conscience « s'inconsciente »...

Je me sens bercer, secouer et franchement ballotter.

Mon chalet tremble, bouge, craque dans un bruit qui gronde .

Toute la famille réveillée est debout dans son lit.

Vite tout le monde dehors dans ce tremblement de terre qui enfle.

J'ouvre la porte de la maison : il n'y a plus de marches pour sortir mais un trou béant de 40 cm de profond.

Sur la gauche un scrapper finit d'emporter mes WC et mon mur de clôture.


                                      Fichier:pénétrante2.jpg   


Les travaux pour creuser la pénétrante de Liévin et l'implantation de « Rond Point » venaient de commencer.

J'enfile un pantalon et court à la rencontre du chef de chantier.

« - Vous m'avez démoli mes WC... comment « je fais » (...) maintenant ? »

Réunion de chantier... décision... la municipalité va déposer un permis de construire pour des nouvelles « chiottes »

et... on commence les travaux cet après midi !!!

Quelques jours plus tard, j'aurai des nouveaux sanitaires...Mais pourquoi ce manque de concertation et de préparation ?



             Fichier:pénétrante3.jpg                                   Fichier:pénétrante4.jpg  après 





                                           Fichier:pénétrante5.jpg   aujourd'hui



                                          1973 La loco vagabonde


Ce samedi, Nadine, la cousine de mon épouse, et son mari Frédo, nous avaient invités à souper.

Jeunes mariés, ils avaient tenu à nous montrer la maison que la SNCF réservée à ses employés.


                                               Fichier:cité.jpg


Située au cœur de la cité des cheminots à Méricourt, elle offrait toutes les commodités pour débuter dans la vie de famille.

Frédo l'avait aménagée avec goût et simplicité.

Mais le cousin était surtout fier d'avoir réussi ses examens et d' être maintenant un conducteur de train.

Il transportait du fret dans toute la région nord.

Après le souper, avant le petit « dernier pour la route », il nous propose de nous faire visiter son service.

Son beau père Paul fera parti de l'expédition. Quelques courtes minutes plus tard, nous entrons dans l'immense gare de triage et de maintenance du matériel.

Malgré les 23h30, Frédo salut quelques cheminots qui s'affairent autour et au dessous de machines impressionnantes.

Un « oui » résonne dans ce vaste hangar pour lui confirmer qu'une locomotive électrique parquée le long d'un quai est en état et prête au service.

Nous grimpons dans ce monstre de ferraille pour découvrir qu'un moteur dans une cage grillagée occupe presque la totalité de l'espace

et que les « couloirs » de service sur ses côtés sont plutôt exigus.


                                             Fichier:cabine.jpg


Il nous montre la cabine de pilotage avec son dispositif de « l'homme mort » qui arrête la locomotive dès qu'on lâche un volant double

et tout un tableau de bord énigmatique pour les profanes que nous sommes.

Puis, il propose de câbler notre engin au réseau électrique.

Nous regardons monter le pantographe qui se collera à la caténaire avec un claquement sec aussi inattendu que violent.

Puis il nous invite à monter dans une locomotive diesel.


                                               Fichier:locol.jpg


A notre grande stupéfaction, il met le moteur en marche, passe sa tête par la portière, donne un ordre, et un immense portail s'ouvre devant nous.

La loco bouge lentement et s'approche de l'extérieur d'un noir d'encre si ce n'est quelques lumières rouges qui jalonnent les voies.

Nous voilà maintenant à nous regarder tous les trois.

Frédo jubilait...Il nous emmenait...mais où ?

Quelques centaines de mètres plus loin, il ouvre sa portière, saute sur le remblai et court devant les feux de la loco où nous le voyons manœuvrer un aiguillage.

Il remonte dans la loco qui avançait au pas et qui reprend un peu de vitesse.

Plusieurs fois, il se livrera à ce genre d'exercice au cœur d'une nuit noire au milieu d'une forêt que l'on devinait impalpable.

Nous faisions un voyage imprévu dans une locomotive inconnue sur une voie ferrée perdue...

Quelque dizaines de minutes plus tard, le hangar apparaîtra dans notre champ de vision et nous y entrerons lentement, sagement,

pour nous arrêter pile à l'emplacement de notre départ.

De retour au pavillon de la cité, les femmes nous demanderons ce que nous avons fait durant « tout ce temps » ?

« - On est allé faire un tour un train !!! »

Aucune n' a cru à cette réponse en cœur...





                                          'Le Père Noël du 24 décembre 1974'


Bélisaire et Joséphine, l’oncle et la tante de mon épouse, nous avaient invité à faire réveillon chez eux rue Théophile Gautier.


Leur maison sentait des odeurs de fête. Dans l’arrière cuisine sur une petite table, refroidissait une tarte, et sur la cuisinière les marmites lâchaient toutes les senteurs d’un repas qui

s’annonçait excellent.

Joséphine était bonne cuisinière et s’évertuait à toujours nous surprendre par des recettes dont elle était fière.

Elle avait demandé à Bélisaire de nous préparer son apéritif préféré :

un « alexandra », cocktail dont elle avait sa propre recette : cognac, crème de cacao et lait condensé…


Bélisaire s’était exécuté et avait préparé les verres sur la table de la salle à manger.

Seule Joséphine avait remarqué qu’il y avait un verre en trop.

Pierre et Marie , nos enfants, racontaient l’émerveillement des décorations de Noël à la tante qui les écoutait avec un petit sourire aux coins des lèvres.

Des coups à la porte arrêtent les conversations, et l’oncle ouvre la porte : LE PERE NOEL !

Des yeux se font plus brillants, et notre invité surprise entre dans la salle à manger.

« - Etes-vous sages ? travaillez-vous bien à l’école ?… » Et toutes les questions de circonstances se suivent.

Les cadeaux, la poupée, la voiture, les bonbons…Puis le moment des adieux.

« -Père Noël prenez-vous l’apéro avec nous ? – Non, je ne peux pas, vous savez si je commence, je ne pourrai pas terminer ma distribution…

Mais, après tout, puisque les petits sont gentils…je vais faire une exception… »

Et voilà notre verre supplémentaire utilisé !

Bélisaire avait dit à Edmond, son voisin, de venir faire le Père Noël quand il aurait vu notre 2CV devant la maison.

Puis, notre invité surprise nous souhaita un bon réveillon et repartit chez les siens…


                                      Fichier:catastrophe.jpg



A 6h17, le vendredi 27 décembre 1974, Edmond KACZMAREK, notre Père Noël nous quittait avec 41 autres mineurs dans la catastrophe minière de Saint AME…

Adieu Père Noël.



                                           '1976.04.10 Boubou'



Boubou pourrait faire la soirée. Lorsque j'en parle, ma femme dit : « ne l'écoutez pas, il ne va pas en finir ! »

C'est vrai que j'avais avec Boubou un sujet plein de rebondissements.

L'histoire commença un samedi à Carvin. Ma femme quittant son travail et traversant le marché pour reprendre sa voiture tomba sur un étal où était vendu un petit bouc de

six semaines... Quelle idée lui passa par la tête ? Elle acheta le petit bouc …

Rentrant à la maison avec ma mère sur les talons, elles arboraient toutes les deux un sourire de connivence. Elles me souhaitèrent une « bonne fête de St Albert » ( en

retard de 8 jours) et m'offrirent un grand carton qui sans tarder lança un « Béééééé » supprimant ainsi toute surprise.


                             Fichier:bouc.jpg


Boubou venait de faire son entrée dans la famille.

Il fallut vite lui construire un enclos dans le fond du garage et profitera de l'implantation de « Carrefour » pour brouter les berges de la voix pénétrante de Liévin.

Les week end, il utilisera l'arrière de ma 2CV pour aller pâturer rue Dernoncourt (Fabre d’Églantine).

Dans cette nouvelle maison que je construisais durant mes temps libres, il occupa la salle de bain pour y passer la nuit.

Puis arriva l'automne et « l'appel de la nature ».

Du haut de la rue Théophile Gautier à deux cents mètres, son odeur dénonçait sans erreur où il habitait. Cela lui vaudra d'avoir la visite de gentilles petites chèvres. L'une d'elles est à mettre de côté.

Imaginez la petite chèvre blanche de Monsieur SEGUIN.

Mignonne, frêle, elle était la possession d'un jeune couple de la rue WILLEMAIN. Je ne sais pourquoi ces jeunes mariés avaient décidé de la présenter à Boubou le lendemain de leur mariage.

Ce dimanche matin donc, le couple arriva avec le père de la mariée...Elle, en robe blanche de son mariage, l'époux en costume nœud papillon !!!

Ils sortirent la chevrette du coffre et la présentèrent à Boubou. Sa tête se leva, il huma l'air et commença un frémissement de sa babine supérieure.

Il avait senti la belle. Je le sortis de l'enclos, le laissa s'approcher et aussi vite sauta sur la pauvrette qui s’étala les quatre pattes en croix.

Un deuxième essai donna le même résultat : la pauvrette ne supportait pas le poids de mon Roméo.

Je suggérai que quelqu'un la maintint pendant que je « canalisais » le barbu. Le marié prit la chevrette entre ses deux jambes et la supporta sous le ventre.

Mon Boubou toujours aussi amoureux ressauta sur la belle qui resta debout mais donna un coup de patte...

qui fit reculer le beau qui « ensemença » la jambe droite du superbe costume...STUPEUR du marié, mais rien n'était conclu.

Il fallut recommencer l'approche et en moins de trois secondes l'affaire fut dans le sac. La belle avait enfin été honorée dans les règles de l'art.

Quatre assauts en deux minutes.

Cela vaudra cette réflexion qui raisonne encore dans mes oreilles de la part du beau père à son gendre :

« PRIN D'EL GRAINE MIN TCHO » (sous les joues rougissantes de la mariée).



                                           '1977 La soirée extraordinaire.'



Nous avions coutume, avec mon épouse, de passer dire un petit bonsoir à la tante Elisabeth L.

Elle avait tenu un café aux « Marionnettes » rue de Cracovie : « Le Rendez-Vous des Chasseurs » ( et quels chasseurs !)

Mais elle tenait maintenant la guinguette de Vimy, rue Sadi Carnot.

En cet fin d’après midi , nous constations qu’elle avait un problème.

Depuis plusieurs années elle avait comme pensionnaire Martin K.. Il avait appris le matin le décès de sa sœur.

Tante Elisabeth, occupée par des ouvriers qui faisaient de menus travaux, ne pouvait pas conduire Martin revoir sa sœur avant la mise en bière. Elle me demanda donc si je ne pouvais pas la remplacer.

Et nous voilà parti, Martin et moi, pour la cité du Tonkin à Meurchin.


                                               Fichier:Martin.jpg    Martin à gauche


Ce service ne me plaisait pas beaucoup, n’ayant jamais vu de mort à ce jour…Mais…

Une femme blonde en pull blanc et jeans, aussi moulant l’un que l’autre, nous ouvrit et accueillit.

C’était une nièce de Martin, une fille de la morte. Après l’accolade sur le pas de la porte, nous entrâmes.

Dans la salle de séjour, la morte était allongée sur le divan, en chemise de nuit , pantoufles aux pieds, un mouchoir sur le visage, un chapelet entre les mains jointes…

Martin se mit à genou, enleva le mouchoir et embrassa sa sœur avec tout l’enthousiasme de ceux qui ont vécu durement dans la cité des Garennes à Liévin et que la mort ne semble pas pouvoir séparer.

Plusieurs minutes d’émotion et de larmes.

Puis chacun s’assit autour de la table de la salle à manger et la nièce nous versa un verre qui viendrait compléter la vaisselle déjà sale.

3 ou 4 litres de vin vides, et une dizaine de canettes tenaient compagnie à quelques petites assiettes qui avaient dû contenir des biscuits.

Martin demanda les nouvelles de circonstances : comment, quand, a-t-elle souffert ?

Puis vinrent les questions plus inattendues : depuis quand es-tu sortie de prison ?

(Elle avait tué son mari d’un coup de couteau, un soir où il la battait comme à son habitude….)

Mère de huit enfants, elle avait « tout » pour ne pas le faire savoir : taille, allure, silhouette.

Puis des coups à la porte annoncèrent de nouvelles visites. La morte ayant de nombreux enfants, petits enfants et arrières petits enfants, nous nous retrouvâmes bientôt une bonne vingtaine, voire trente.

La bière et le vin accueillaient à chaque fois les arrivants.

Martin retrouvait ainsi, des frères, des sœurs, des neveux et des nièces perdus de vue.

Il arrosait d’un verre de rouge chaque souvenir.

Les tout-petits avaient pris place à côté de « mamie » sur le canapé. Ils comptaient les perles du chapelet, lui faisaient des baisers, lui caressaient les mains.

Elle n’était plus morte, elle dormait au milieu de sa famille.

Puis la mémoire polonaise reprenant le dessus, Martin se risqua à fredonner faiblement une chanson de leur jeunesse.

Ecouté avec émotion, il arracha des uns et des autres quelques mots de leur chanson.

Puis, le murmure pris de l’assurance, et les chansons de leur folklore bercèrent « la Mamie endormie ».

De la jeunesse on passa tout naturellement à l’adolescence, aux bals, aux chansons qui font l’âme polonaise.

Martin, debout, retrouvant sa jeunesse, emmena sa nièce dans quelques pas de danse dans les accents des chants slaves.

Seuls les petits enfants « s’occupaient » encore de leur Mamie.

Les adultes, sautant d’une d’anecdote à l’autre, d’un souvenir à un problème du lendemain, enfumaient tant la pièce que l’ambiance devenait londonienne par jour de brouillard.

Il fallait maintenant se quitter et rentrer à Vimy…Puis, ayant déposé Martin qui avait déjà commencé sa nuit durant le retour, avec mon épouse et les enfants, nous rentrâmes à Liévin en passant par le monument canadien.

Dans les phares de la 2 CV galopaient des dizaines de lapins…mais nul « képis » ouf !!!

Seul, le cinéaste espagnol Luis Bunel aurait pu imaginer et réaliser le film de cette soirée.

Paix éternelle à Mamie…



          ' Épisode n° 8       Le truc de Mamie


1977 Le Directeur Général des télécommunications, M. THERY, propose au gouvernement un grand plan de développement : « le téléphone pour tous. »

Auparavant il fallait s'armer de patience et attendre des mois voire des années pour obtenir le précieux appareil.

Ce plan ramène les délais à moins de 6 mois. Je pose donc une demande et vois arriver les deux installateurs 4 mois plus tard.


                                  Fichier:Téléphone.jpg      Ne vous moquez pas !


J'avais prévu une gaine enterrée du pylône sur la rue au domicile sur environ 45 mètres.

Pendant que le premier perce un mur du couloir pour mettre une prise, le second déroule une bobine de fil sur la rue et accroche une extrémité à mon « tire-fil ».

Mes deux techniciens entreprennent maintenant de tirer le câble.

Celui-ci avance de 4 ou 5 mètres puis résiste...

Mon costaud dans le couloir y met toutes ses forces et...casse mon tire-fil qu'il sort intégralement.

Je le regarde bouche ouverte.

Avec un naturel à vous ouvrir une boîte de thon, d'un sourire il me dit :

« - Vous repassez un tire-fil plus fort et vous nous rappelez !... »

Sous terre, 45 mètres, 2 coudes à angle droit ,qui peut passer un fil ?

Je m'assois, abasourdi par le travail que j'entrevois.

C'est à cette instant que ma mère, qui buvait une tasse de café dans la salle de séjour, me dit d'un air finaud : « c'est pas difficile !!! »

Je l'aurais avalée tout cru.

Elle insiste et dit à mon épouse :

« -Donnez moi une bobine de fil.


                                            Fichier:Bouchon.jpg


Comment tu vas faire passer le fil dans la gaine... ( Les mots qui me viennent à la bouche ne peuvent pas être entendus par les enfants.)

Découpe un bout de bouchon et fixe le au fil...

Après tu le fais descendre dans la gaine et tu le pousses avec un jet d'eau...

l'eau va entraîner le bouchon qui tirera le fil et tu vas le récupérer à l'autre extrémité.

Après tu tires un autre fil plus costaud... jusqu'à un fil de fer !!!

CQFD

15 minutes plus tard, un nouveau tire-fil était utilisable.

Je me demande si j'ai hérité de ce savoir faire...

À suivre