L'histoire par le trou de la serrure de 1960 à 1979

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Des coups à la porte arrêtent les conversations, et l’oncle ouvre la porte :''' LE PERE NOEL !'''
Des coups à la porte arrêtent les conversations, et l’oncle ouvre la porte :''' LE PERE NOEL !'''
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Des yeux se font plus brillants, et notre invité surprise entre dans la salle manger.
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Des yeux se font plus brillants, et notre invité surprise entre dans la salle à manger.
« - Etes-vous sages ? travaillez-vous bien à l’école ?… » Et toutes les questions de circonstances se suivent.  
« - Etes-vous sages ? travaillez-vous bien à l’école ?… » Et toutes les questions de circonstances se suivent.  

Version du 21 décembre 2014 à 17:57

                         Fichier:Ma_tête.jpg  Vous pouvez me joindre au mail suivant :         lelievinois@gmail.com 



                                         1960 Le coq de combat


Comme disait ma grand-mère « - Ton grand-père a tous les vices ! »

Il était « coqueleux et coulonneux… »

Avec sa vingtaine de coqs et ses 70 pigeons, il n’avait pas de quoi perdre une minute.

4 ou 5 coqs lui appartenaient et les autres étaient en pension.

Dans le lot, il avait aussi une quinzaine de coquelets qui montraient toutes leurs couleurs et leur appétit vorace au bruit de la gamelle de grains.

Mais, c’étaient les coqs adultes qui retenaient toute son attention. Après les vaccins, venait l’entraînement en vue d’un prochain combat.

Il fallait les manier avec une grande méfiance.


                                            Fichier:coq.jpg


Malgré cela, un jour, un de ses pensionnaires lui avait ouvert la joue sur 6 ou 7 cm d’un coup de bec.

Alors en premier, tenir son visage hors de portée de l’animal, en le tenant fermement sous le bras gauche, ses pattes dans la main. Mon grand-père en quelques coups de couteau lui taillait l’ergot , un coup de tisonnier chauffé au rouge arrondissait celui-ci.

Puis, un gros morceau de coton , maintenu par un capuchon de cuir allait empêcher les coups mortels.

Quand 2 coqs étaient ainsi équipés, il fallait faire les présentations : bec à bec !

La poussée d’adrénaline mettait alors nos deux animaux en transe, plumes hérissées, regards fixes, bec entrouvert, corps raidi. Il n’y avait plus qu à les déposer dans la cour pour un combat de 10 à 15 secondes.

Enfin, il fallait récupérer nos deux bagarreurs sans les blesser ou se faire blesser.

Ainsi préparés, leur avenir devenait incertain le dimanche suivant : vainqueur ou vaincu ?

De toute manière, durant la période des combats,

le menu de lundi chez ma grand-mère était souvent immuable : coq au vin…




                                                   1961 Garçon de courses




J'ai commencé ma carrière professionnel à 17 ans comme garçon de course à la BNCI de Lens ( Banque Nationale pour le Commerce et l'Industrie).


                                           Fichier:Place_jean_Jaures.jpg


Bien qu'ayant signé un papier de confidentialité, je pense que 53 ans plus tard il y a prescription. Cette banque n'existant plus, étant devenue BNP, je pense pouvoir vous

confier quelques secrets avec des sommes en anciens francs de l'époque. Mon salaire mensuel était de 36.000 francs

Chaque matin, avant 8 h 30, nous devions approvisionner la Sécurité sociale.

Mes six millions dans ma sacoche « piégée » cadenassée à mon poignet et mon sac de jute rempli de monnaie sur le dos, nous prenions la rue Victor Hugo.

Moi devant et mon collègue chargé de ma sécurité 5 m derrière.

Il avait été réformé du service militaire car il était myope comme une taupe. Cela était visible comme le nez au milieu de la figure avec ses lunettes aux verres de fond de

bouteille. Il n'avait jamais sorti son révolver de son étui et n'avait nullement l’intention de s'en servir.

Mais c'était la consigne.

Puis je sortais le vélo de l'agence, je n'avais pas le droit d'utiliser mon solex.

C'était la consigne.

J'allais de boucheries en magasins de vêtements pour faire signer des factures.

11 heures, Banque de France, le rendez-vous des banquiers, la chambre de compensation.

Le Crédit du Nord, le CNP, la Société Générale, le Crédit Agricole... Tous nous échangions nos chèques.

Il fallait absolument donner un résultat au centime près des échanges. Mais le sous directeur du Crédit Agricole ( ils n'étaient que 2, lui et le directeur !) n'avait que

2 ou 3 chèques et terminait son addition avant tout le monde et prenait un malin plaisir à nous embrouiller avec les dernières plaisanteries à la mode.

Midi moins le quart, l'employée serviable de la Banque de France (BF)terminait mes comptes …


                                                Fichier:BF.jpg      Banque de France


Puis arrivaient les sorties imprévues.

Le tour de France traversait Lens pour l'étape de Roubaix. Les trottoirs étaient noirs de monde.

C'est ce moment que le Directeur choisit pour m'envoyer faire un dépôt de 38 millions à la BF.

J'avançais au milieu de la foule à coup de « Pardon », « S'il vous plaît »

Des cris et des applaudissements accueillaient chaque voiture de la caravane publicitaire.

J'étais arrivé depuis 5 bonnes minutes quand « mon ange gardien » se pointa à son tour !

Puis arriva l'épisode incroyable : nous avions perdu 40 millions.

Nous devions fournir la paie aux « laminoirs » un matin très tôt.

La somme dépassant les 60 millions, il nous était interdit d'avoir une telle somme dans notre coffre avec notre fond de roulement.

C'était la consigne.

Notre caissier s'y prit comme à son habitude.

Il déposerait 40 millions dans un coffre privé et le reste dans le nôtre.

Le matin de la livraison, nous entassâmes les sacs dans la 2 cv de service d'un jeune « démarcheur ».

Des tables nous attendaient au siège des laminoirs pour étaler notre cargaison. Rapide calcul des comptables... Il manquait 40 millions !

Nous étions partis sans vider le coffre privé. Retour à notre agence avec notre argent.

C'était la consigne.


                                         Fichier:câbleries.jpg  Laminoires Câbleries Tréfileries


Et deuxième voyage au complet. Le révolver roulait sous le siège du conducteur.

Parfois c'était le contraire. Il fallait absolument des liquidités et un déplacement à la BF s'imposait.

Mais évidemment, c'était ce jour-là que les camions de transport de fond arrivaient avec la paie du bassin minier.

La rue de Paris était fermée à la circulation et toute incursion se faisait avec un laisser-passer.

A l'intérieur de la BF, tous les gardes des mines assis autour de la grande salle suivaient les événements.

Quatre caissiers, la petite éponge à leur côté faisaient valser les centaines de millions.

D'un geste précis, ils jetaient dans un trou les liasses pour les faire atterrir au sous-sol.

Je devais attendre que l'un d'eux se lève pour prendre ma commande...un petit 15 millions !

Chaque lundi matin arrivait ma pénitence.

Je devais collecter la monnaie au presbytère. Les 2 sacs de ferraille des quêtes du dimanche m'allongeaient les bras.

Un lundi de juin, l’archiprêtre m'ouvrit la porte en personne.

Quelques mots : 

« -Votre métier vous plaît ?

-Qu'avez-vous comme diplôme ?

-Une école privée ouvre route de Liévin , si cela vous intéresse ? »

Je réfléchirai.

Puis les après-midi à ranger le courrier dans notre « crocodile », terme qui désignait une planche avec un rabat pour chaque lettre de l'alphabet.

Il fallait mettre toutes les missives d'un même client dans une enveloppe unique .

C'était la consigne.

Puis la course contre la montre pour enregistrer le courrier avant la fermeture des guichets de la poste.

Sinon il fallait sonner au tri à l'arrière, et malheur si les sacs étaient poinçonnés.

Dernier recours, la gare de Lens et là mes oreilles sifflaient.


                                                Fichier:Poste_.jpg   Poste


Un vendredi de fin juin, le directeur me demanda de donner un coup d'éponge et de peau de chamois à sa voiture pour son départ en week end.

Je ne serai jamais un larbin.

C'était ma consigne !


Alors, je me suis souvenu de la proposition de l'archiprêtre.

Je fis un arrêt à l'école après mon travail et je débutais comme enseignant à la rentrée de septembre.

J'avais 17 ans 10 mois.



                                                    1962-1993-2002


                                        Les jours que l'on ne peut pas oublier
                                                       1962

Tous les quinze jours, mon parrain venait de Châtou dans la région parisienne avec sa 2 CV bleue.

Il supervisait et aidait à la construction de la maison de ma maman .

Un samedi soir , après avoir travaillé toute la journée à la pose de l’installation électrique, nous décidâmes d’aller prendre un verre « Au Cendrier »,

un café de la place Gambetta.

                                              Fichier:place.jpg


C’était pour moi l’occasion de rencontrer une famille que j’avais vue à la rentrée des classes.

Les propriétaires allaient de table en table dans une épaisse fumée en adressant un mot à chacun dans un immense brouhaha.

La salle était pleine et nous avions pu avoir une table près du comptoir.

Madame V. me salua et me demanda un rapide « comment travaillent mes garçons ? » J’avais ses deux petits hommes en classe…

Mon cousin avait connu ce café et lui rappelait sa jeunesse. Mais les temps avaient changé et la clientèle avec.

La majorité des consommateurs était algérienne. Nous prîmes une bière puis nous rentrâmes.

Une semaine plus tard, le lundi matin, en arrivant à l’école, le surveillant m’annonça que le directeur désirait me voir avant la classe.

Que pouvait-il avoir à me dire d’aussi urgent ?

Sa phrase résonne encore à mes oreilles : « M. et Mme V. ont été assassinés samedi soir, d’une rafale de mitraillette dans leur café ! » …

La guerre du FLN faisait rage...


                                                           1993


Je traversai la cour à la rencontre de Madame X . Cette dame que je rencontrais régulièrement était joviale et consciente des difficultés de sa fille en classe.

Arrivé près d’elle, son allure raide, son regard fixe me laissèrent perplexe. Aussitôt, elle demanda à sa maman qui l’accompagnait de conduire la petite aux toilettes.

Elle m’annonça aussitôt : « Mon mari s’est suicidé cette nuit, il s’est jeté dans sa machine à chicons !

Ma fille ne sait rien et va habiter quelques jours chez une amie. Je ne veux pas qu’on lui dise. »


                                                          2002


L’église, trop petite, laisse une foule émue se recueillir sur le parvis. A l’intérieur, au milieu du chœur repose un petit cercueil.


                                                    Fichier:église.jpg


« Ma petite, mon élève » s’est tuée en utilisant le scooter de sa grande sœur.

En tête défilent tous ces moments, ces rapports intenses entre le maître qui apprend à lire et ce petit « bout de chou ».

Je la revoie à mes côtés ânonnant ses premiers mots, surprenant son regard curieux, ses allures de petite mère…


Je la revoie sur le film de la kermesse...

Que le métier est beau, mais combien laisse-t-il de plaies sans cicatrices?




                                                    1964 classe de neige.


Trois classes iraient en classes de neige à Valloire.

Les adieux des enfants aux familles sur le quai de la gare de Lens. Et en route pour le bol d'air pur !

Nos 120 élèves remplissaient un wagon et demi. Mon collègue et moi accompagnions notre directeur.

Notre effectif d'adultes comptait aussi un stagiaire du secrétariat , une maman infirmière et une enseignante retraitée.

Le directeur avait installé ces personnes dans un compartiment derrière son CM1 dans le fond près de la porte de communication et de ma classe dans le wagon suivant.

Comme chaque déplacement avec des enfants tout avait commencé par des cris, des chants, des moqueries envers les pleurnichards.

Puis arriva l'heure des sandwiches avant la nuit.

C'est à cet instant que je découvris que la porte de communication était fermée et que j'étais seul avec mes 40 CM1.

Avant la rencontre avec le sommeil, les allées et venues avec les toilettes se multipliaient.

Je m'aperçus que certains s'approchaient dangereusement de la porte extérieure dans leur demi inconscience.

Je passais ma nuit assis par terre dans le couloir pour canaliser ceux réveillés par une envie pressante.

Le matin, à la gare de Saint Michel de Maurienne, Mon directeur me demanda:

«Le voyage s'est bien passé ? pas de problèmes ? » Il ne s'était pas aperçu du manque de surveillance !

Arrivés aux Granges, notre lieu de villégiature, chacun pris un bon déjeuner. La découverte des chambres, des lits, des classe, des sanitaires se passa dans la bonne humeur.

Essayer ses chaussures et ses skis prit l'après midi. La journée passa beaucoup trop vite avant la première veillée et un repos bien mérité.


                                            Fichier:Les_granges.jpg  Les Granges


Une sonnerie de clairon tira tout le monde du sommeil à 6 heures du matin...

Nous avions comme voisin une troupe de chasseurs alpins habitués à ce genre de réveil !

Une rencontre avec le lieutenant dans la journée mit fin à ce rite qui se transforma le lendemain en un vigoureux « debout la'dans ».

Ces militaires attiraient tous les regards sinon plus...

Le jour, rentrant de ski, nos élèves participèrent involontairement à une revue d'armes.

Le lieutenant passant un doigt dans le canon d'une mitraillette cria : 

« - C'est sale, nettoyez moi ça ».

Un élève qui le suivait regardant à son tour dans le canon dit calmement :

« - Je vois rien ! »

Un « - Rompez ! » toujours aussi vigoureux mit fin à l'inspection.


                                            Fichier:Tentes.jpg  Les tentes des militaires


Quelques entorses, bosses, bobos mettaient au repos forcé les malchanceux qui regardaient tristement leurs camarades partir pour les pistes.

Le dimanche nous prîmes en charge les chants à l'église de Valloire pour le plus grand plaisir du curé.

Le passage des « étoiles » approchait et les séances de ski de plus en plus performantes.

Mais, la météo n'était pas avec nous. Habitués à notre « soupe » de neige, la glace des pentes plus élevées du Galibier fera des ravages.

Après le passage de 4 portes, il fallait descendre une pente et s'arrêter avec un magnifique « chasse neige » juste avant la route !

Je fis l'essentiel un peu trop vite à mon goût et terminais ma démonstration sur la terrasse du café de l'autre côté de la chaussée au milieu des clients hilares.


                                                             Fichier:Ski.jpgUn de mes élèves poliomyélitique sur les skis d'une monitrice


A notre retour, avec notre « première étoile » de ski épinglée à notre anorak, nous arborions tous une mine bronzée et satisfaite de notre séjour.

Et ceci d'autant plus que les vacances de Pâques commençaient.

Aucun ne regretta les chaussures de ski aussi dures qu'un morceau de bois et les spatules fartées et glissantes comme un papier de verre...


                                             1966.12.25 Réveillon de Noël



Mon cousin André nous avait invité à faire réveillon.


                                       Fichier:andré.jpg      André  et  Raymonde


Dans La cité du 16 de Lens rue Saint Pierre, il avait aménagé au mieux son logement des mines.

Ce fut la seule et unique fois où j'ai pu vivre avec lui un moment de « famille ».

Simple, gentil, aimable, serviable, les mots manquent à le définir. Le tress était pour lui un mot banni. Tout pouvait s'arranger...

Un VRAI MINEUR !!!

Pour ce soir, il avait voulu mettre les petits plats dans les grands car il avait invité à dîner sa « tante »( ma mère) .

Raymonde, son épouse mit tout son savoir faire pour confectionner sa bûche de Noël.

Mais, ce jour là fut pour moi un évènement dans ma vie . André avait prévu des huîtres en entrée !!!

A vingt trois ans, l'huître, ce mot de vocabulaire, prenait vie sur une table.

Je le vois encore, au dessus de son évier, se battant avec « ces bêtes » qui résistaient.

Après , une ou deux entailles dans la main gauche, les « fines de claire» étaient ouvertes et nous attendaient...

J'avoue que la première mis un temps certain ou si vous préférez un certain temps à être avalée...Les écailles involontaires d'un néophyte en ouverture d'huîtres pouvaient excuser le croquant de la chose. Je mis beaucoup de bonne volonté pour faire croire à l'excellence des huîtres ( j'ai honte).

Puis, la soirée passant, nous ne pûmes que rire aux larmes avec les récits « homériques » et sans fin de Raymonde.

Encore quelques pas de danse pour terminer la soirée .

Mais, cette première approche, plutôt difficile, des fruits de mer n'a fait que développer mon goût pour ces « bêtes » qui arrivent maintenant sur ma table plusieurs fois par an.

Je vous conseille l'huître gratinée , fondue dans un beurre d'échalote au vin d' Alsace... ou au champagne...

Encore merci André.( 1933-1968...35 ans , ou la vie d'un mineur de fond... )



1967 Une expérience surnaturelle



Juillet, nous partons en vacances dans la Loire.

Ce fut la seule fois où nous dormirons tous les quatre sous la tente : ma mère, mon frère, moi et mon chat.

De par son handicap physique avec sa prothèse de jambe, la chef de famille avait droit à un lit pliable.

Les trois autres occupaient la deuxième chambre avec les bagages. Ainsi organisés et équipés, nous avions décidé de faire un maximum de châteaux.

La dedeuche avec sa galerie surchargée nous laissait le temps d'admirer les paysages.

Orléans, beaugency, Blois, Chambord, Chenonceau, Montsoreau, Chinon, Saumur, Sully sur Loire, tous plus beaux les uns que les autres.

Cependant deux mérites une étoile supplémentaire : Talcy pour y avoir vu séjourner Ronsard, Aggripa d'Aubigné ...qui ont pu s'inspirer du puits fleuri et le château de

Ménars … Une pure merveille, hélas maintenant fermée au public.

Nous avions passé quinze jours à Beaugency puis nous étions descendus à Montsoreau.

Nos petits transistors n'avaient qu'un seul thème de réflexion : « De Gaulle avait-il eu raison ou tort de crier : Vive le Québec libre ? »

La saison était belle, la pêche dans la Loire dépendait ...du pêcheur !

Nous avions monté notre tente entre quatre gros platanes qui délimitaient notre emplacement.

Aidés de leur fils un couple d'un certain âge s'installa devant nous trois jours plus tard.

Nous fîmes leur connaissance dans les minutes qui suivirent. Ils venaient de l'Île Bouchard à une trentaine de kilomètres.

Leur fils maréchal ferrant à Turquant n'était qu'à cinq kilomètres.

C'était pour eux leur façon de prendre des vacances : pas trop loin ni trop près !

Un jour j'accompagnai Auguste, ce nouvel « ami » à rendre visite à son imposante progéniture.

Ce forgeron, taillé comme un haltérophile poids lourd, faisait voler son marteau ou plutôt sa masse comme sortie d'une panoplie d'enfant. Le fer se tordait et prenait forme

comme un spaghetti trop cuit.

Arriva l'heure de désaltérer ce géant de baraque foraine.

Il sortit trois verres et empoigna un litre de blanc de son voisin vigneron. Cela nous fit chacun deux rations.

La bouteille était vide et c'était la tournée d'Auguste. Le fils refit la même démonstration et envoya dans un coin ce récipient déjà vide qui retrouva bon nombre de ses

congénères.

Une sonnette au coin de la forge annonça l'arrivée du facteur et de la troisième bouteille partagée cette fois en quatre.

Puis vint l'heure du retour. La dedeuche avait retenu le trajet. Je me souviens être sorti des toilettes du camping en fin d'après midi...

Mon foie ne me permit pas une deuxième sortie avec Auguste.

Marie, son épouse, poids lourd s'il en est, était une bavarde intarissable.


https://www.youtube.com/watch?v=u0H2gVZzdqU


Elle parlait de sa famille , de son village, de ses vacances précédentes.

Elle réussit à persuader ma maman de passer quelques jours dans le camping de l'Ile Bouchard.

Elle voulait apprendre à faire « la soupe au lard » comme dans le nord.

C'est sur sa terrasse sous une vigne aux belles grappes dorées que nous dégusterons ce plat d'hiver...

Nous passions des journées tranquilles de repos entrecoupées de repas toujours pantagruéliques.

Les cochonnailles accompagnaient tous les légumes du jardin d'Auguste .

Parfois un visiteur sonnait et Marie s'isolait avec un quart d'heure.

Elle nous laissa entendre qu'elle était guérisseuse et aussi parfois diseuse de bonne aventure...

Un jour, elle me demanda de lui faire une course chez son fils qui avait reçu un courrier d'un notaire, et qu'elle devait donner son avis.

Je partis donc un beau matin ensoleillé avec ses bancs de brume qui encensaient la Vienne.

Puis arrivé sur la route de Chinon, mes mains se mirent à brûler et à vibrer sur mon volant.

Mon pied sur l'accélérateur devint incontrôlable, à sautiller sans raison.

Je me mis à transpirer et à avoir la gorge sèche .

Mes yeux s'embuaient et troublaient ma vision.

Je freinai comme je le pus et arrêtai ma 2cv sur le bas côté.

Je sortis pour prendre un peu d'air frais et calmer mes membres qui voulaient se dérober.

Quatre à cinq minutes plus tard, tout mon corps semblait être redevenu normal.

Je me posais un tas de questions .

Est-ce que je couvais une maladie ?

Aucun excès les jours précédents (…) ne pouvaient me mettre dans cet état.

La fin du voyage se fit normalement et sans nouvelles indispositions.

De retour Chez Marie J. , celle-ci me dit avec un sourire « entendu » en regardant ma mère :

« le voyage s'est bien passé ? Tu n'as pas eu de problème ? »

Puis s'adressant à ma mère, elle ajouta : « Il ne dira rien, il est bien trop fier, mais il a eu chaud... »

Marie J. côtoyait aussi la magie noire et ses interventions auprès des fermiers des environs étaient recherchées. La mare au diable n'est pas si loin !

Marie J. se tua en tombant des marches de l'église le jour où son petit fils faisait sa communion...


                                                     1970 récits de guerre
                                                    1914 La Guerre de ma grand-mère.



Chaque fois que mes tantes Marie et Julia se retrouvaient chez ma grand-mère, immanquablement les souvenirs de 1914 étaient remués.

Ce printemps là, elles habitaient rue Jules Guesde, près de la barrière du 16 à l'emplacement du local « PACTE...Pour Agir Contre Toute Exclusion », anciennement une petite

supérette.


                                                          Fichier:MaisonGM.jpg



A l'époque ma grand-mère y tenait un café avec son mari Richard Castelain qui travaillait également à la mine.

A la déclaration de guerre son époux est mobilisé et elle se retrouve seule avec ses 2 filles de 9 et 7ans.


-« Les Uhlans arrivent, réquisitionnent le café et nous envoient dans une maison de corons des mines rue d'Alsace près de « Félicienne »( une amie) mère de 2 enfants.

Dans cette bicoque il n'y a plus de buses au poêle à charbon.

Je retourne à mon café, et je vois un soldat allemand sortir avec les miennes sous le bras pour sa cuisine roulante.

Je lui reprends et l'on commence à se battre quand un officier intervient.

Le soldat explique à son supérieur que je l'ai agressé sans raison...

C'est à ce moment que je rectifie ses dires car je comprenais et parlais l'allemand... à la maison mon père parlait le flamand, sa langue natale.

Il partira le lendemain matin pour le front...

Puis un jour, nous serons pilonnés par les français.

On restera 8 jours, « restaplées » sans secours dans notre cave car les maisons avaient été détruites.

Les allemands décideront ne nous évacuer.

Nous d'un côté et Félicienne d'un autre.


                                                     Fichier:Croix_rouge.jpg


On partira en train à bestiaux pour l'Allemagne, puis la « Croix Rouge Suisse », et on sera confié à la « Croix Rouge Française » qui nous conduira dans les Pyrénées.

On passera par Pau, Tarbes et on finira dans un petit village.

Logées avec les bêtes dans l'étable, nous participerons aux travaux de la ferme.

J'aurai la fièvre typhoïde et on échappera à la grippe espagnole.

La mère de famille d'Alsace avec nous , et qui n'avait plus de lait le matin, nous racontait qu'une couleuvre la tétait la nuit pendant son sommeil...

Et puis en 17 j'ai reçu « la lettre ».

Le Maire du village me l'a apportée...J'étais veuve... « Richard était mort aux chemins des dames »...

Et puis on est rentré.

Il n'y avait plus rien. »

Pourquoi la maison de ma grand-mère a-t-elle été choisie ?


                                                          Fichier:Tunnel.jpg


Sans doute parce que la voix ferrée à 10 mètres offraient des possibilités.

Sa cave sera le point de départ d'un tunnel qui relira le Parc de Rollencourt en passant sous les maisons de la rue G Delbecque ( tunnel qui servait encore en 1970 à la

supérette à entreposer ses légumes)

Les récits de ma grand-mère n'ont d'authenticité que sa mémoire...




              1973 mars  "La pénétrante de Liévin


Nous rentrions cette nuit-là par la forêt de Vimy avec les lièvres qui sautillaient dans les halos des phares de la « dedeuche » qui perçaient la brume.

La récente journée de repos scolaire du mercredi nous permettrait de récupérer sans problème.

La sonnerie du réveil avait était mis sur « fermer ». (Maintenant, il faudrait la mettre sur « off »...)

Rien ne pourrait nous réveiller dans notre chalet au fond du jardin de la rue Henri Martin.


                                        Fichier:pénétrante1.jpg   avant les travaux... les WC au fond à gauche !



Huit heures moins le quart, les enfants dorment, je peux me retourner dans le lit et essayer de retrouver « Morphée ».

Ma conscience « s'inconsciente »...

Je me sens bercer, secouer et franchement ballotter.

Mon chalet tremble, bouge, craque dans un bruit qui gronde .

Toute la famille réveillée est debout dans son lit.

Vite tout le monde dehors dans ce tremblement de terre qui enfle.

J'ouvre la porte de la maison : il n'y a plus de marches pour sortir mais un trou béant de 40 cm de profond.

Sur la gauche un scrapper finit d'emporter mes WC et mon mur de clôture.


                                      Fichier:pénétrante2.jpg   


Les travaux pour creuser la pénétrante de Liévin et l'implantation de « Rond Point » venaient de commencer.

J'enfile un pantalon et court à la rencontre du chef de chantier.

« - Vous m'avez démoli mes WC... comment « je fais » (...) maintenant ? »

Réunion de chantier... décision... la municipalité va déposer un permis de construire pour des nouvelles « chiottes »

et... on commence les travaux cet après midi !!!

Quelques jours plus tard, j'aurai des nouveaux sanitaires...Mais pourquoi ce manque de concertation et de préparation ?



             Fichier:pénétrante3.jpg                                   Fichier:pénétrante4.jpg  après 





                                           Fichier:pénétrante5.jpg   aujourd'hui



                                          1973 La loco vagabonde


Ce samedi, Nadine, la cousine de mon épouse, et son mari Frédo, nous avaient invités à souper.

Jeunes mariés, ils avaient tenu à nous montrer la maison que la SNCF réservée à ses employés.


                                               Fichier:cité.jpg


Située au cœur de la cité des cheminots à Méricourt, elle offrait toutes les commodités pour débuter dans la vie de famille.

Frédo l'avait aménagée avec goût et simplicité.

Mais le cousin était surtout fier d'avoir réussi ses examens et d' être maintenant un conducteur de train.

Il transportait du fret dans toute la région nord.

Après le souper, avant le petit « dernier pour la route », il nous propose de nous faire visiter son service.

Son beau père Paul fera parti de l'expédition. Quelques courtes minutes plus tard, nous entrons dans l'immense gare de triage et de maintenance du matériel.

Malgré les 23h30, Frédo salut quelques cheminots qui s'affairent autour et au dessous de machines impressionnantes.

Un « oui » résonne dans ce vaste hangar pour lui confirmer qu'une locomotive électrique parquée le long d'un quai est en état et prête au service.

Nous grimpons dans ce monstre de ferraille pour découvrir qu'un moteur dans une cage grillagée occupe presque la totalité de l'espace

et que les « couloirs » de service sur ses côtés sont plutôt exigus.


                                             Fichier:cabine.jpg


Il nous montre la cabine de pilotage avec son dispositif de « l'homme mort » qui arrête la locomotive dès qu'on lâche un volant double

et tout un tableau de bord énigmatique pour les profanes que nous sommes.

Puis, il propose de câbler notre engin au réseau électrique.

Nous regardons monter le pantographe qui se collera à la caténaire avec un claquement sec aussi inattendu que violent.

Puis il nous invite à monter dans une locomotive diesel.


                                               Fichier:locol.jpg


A notre grande stupéfaction, il met le moteur en marche, passe sa tête par la portière, donne un ordre, et un immense portail s'ouvre devant nous.

La loco bouge lentement et s'approche de l'extérieur d'un noir d'encre si ce n'est quelques lumières rouges qui jalonnent les voies.

Nous voilà maintenant à nous regarder tous les trois.

Frédo jubilait...Il nous emmenait...mais où ?

Quelques centaines de mètres plus loin, il ouvre sa portière, saute sur le remblai et court devant les feux de la loco où nous le voyons manœuvrer un aiguillage.

Il remonte dans la loco qui avançait au pas et qui reprend un peu de vitesse.

Plusieurs fois, il se livrera à ce genre d'exercice au cœur d'une nuit noire au milieu d'une forêt que l'on devinait impalpable.

Nous faisions un voyage imprévu dans une locomotive inconnue sur une voie ferrée perdue...

Quelque dizaines de minutes plus tard, le hangar apparaîtra dans notre champ de vision et nous y entrerons lentement, sagement,

pour nous arrêter pile à l'emplacement de notre départ.

De retour au pavillon de la cité, les femmes nous demanderons ce que nous avons fait durant « tout ce temps » ?

« - On est allé faire un tour un train !!! »

Aucune n' a cru à cette réponse en cœur...





                                          Le Père Noël du 24 décembre 1974


Bélisaire et Joséphine, l’oncle et la tante de mon épouse, nous avaient invité à faire réveillon chez eux rue Théophile Gautier.


Leur maison sentait des odeurs de fête. Dans l’arrière cuisine sur une petite table, refroidissait une tarte, et sur la cuisinière les marmites lâchaient toutes les senteurs d’un repas qui s’annonçait excellent.

Joséphine était bonne cuisinière et s’évertuait à toujours nous surprendre par des recettes dont elle était fière.

Elle avait demandé à Bélisaire de nous préparer son apéritif préféré :

un « alexandra », cocktail dont elle avait sa propre recette : cognac, crème de cacao et lait condensé…


Bélisaire s’était exécuté et avait préparé les verres sur la table de la salle à manger.

Seule Joséphine avait remarqué qu’il y avait une verre en trop. Pierre et Marie , nos enfants, racontaient l’émerveillement des décorations de Noël à la tante qui les écoutait avec un petit sourire aux coins des lèvres.

Des coups à la porte arrêtent les conversations, et l’oncle ouvre la porte : LE PERE NOEL !

Des yeux se font plus brillants, et notre invité surprise entre dans la salle à manger.

« - Etes-vous sages ? travaillez-vous bien à l’école ?… » Et toutes les questions de circonstances se suivent.

Les cadeaux, la poupée, la voiture, les bonbons…Puis le moment des adieux.

« -Père Noël prenez-vous l’apéro avec nous ? – Non, je ne peux pas, vous savez si je commence, je ne pourrai pas terminer ma distribution…

Mais, après tout, puisque les petits sont gentils…je vais faire une exception… »

Et voilà notre verre supplémentaire utilisé !

Bélisaire avait dit à Edmond, son voisin, de venir faire le Père Noël quand il aurait vu notre 2CV devant la maison.

Puis, notre invité surprise nous souhaita un bon réveillon et repartit chez les siens…


                                      Fichier:catastrophe.jpg



A 6h17, le vendredi 27 décembre 1974, Edmond KACZMAREK, notre Père Noël nous quittait avec 41 autres mineurs dans la catastrophe minière de Saint AME…

Adieu Père Noël.



                                            1976.04.10 Boubou



Boubou pourrait faire la soirée. Lorsque j'en parle, ma femme dit : « ne l'écoutez pas, il ne va pas en finir ! »

C'est vrai que j'avais avec Boubou un sujet plein de rebondissements.

L'histoire commença un samedi à Carvin. Ma femme quittant son travail et traversant le marché pour reprendre sa voiture tomba sur un étal où était vendu un petit bouc de

six semaines... Quelle idée lui passa par la tête ? Elle acheta le petit bouc …

Rentrant à la maison avec ma mère sur les talons, elles arboraient toutes les deux un sourire de connivence. Elles me souhaitèrent une « bonne fête de St Albert » ( en

retard de 8 jours) et m'offrirent un grand carton qui sans tarder lança un « Béééééé » supprimant ainsi toute surprise.


                             Fichier:bouc.jpg


Boubou venait de faire son entrée dans la famille.

Il fallut vite lui construire un enclos dans le fond du garage et profitera de l'implantation de « Carrefour » pour brouter les berges de la voix pénétrante de Liévin.

Les week end, il utilisera l'arrière de ma 2CV pour aller pâturer rue Dernoncourt (Fabre d’Églantine).

Dans cette nouvelle maison que je construisais durant mes temps libres, il occupa la salle de bain pour y passer la nuit.

Puis arriva l'automne et « l'appel de la nature ».

Du haut de la rue Théophile Gautier à deux cents mètres, son odeur dénonçait sans erreur où il habitait. Cela lui vaudra d'avoir la visite de gentilles petites chèvres. L'une d'elles est à mettre de côté.

Imaginez la petite chèvre blanche de Monsieur SEGUIN.

Mignonne, frêle, elle était la possession d'un jeune couple de la rue WILLEMAIN. Je ne sais pourquoi ces jeunes mariés avaient décidé de la présenter à Boubou le lendemain de leur mariage.

Ce dimanche matin donc, le couple arriva avec le père de la mariée...Elle, en robe blanche de son mariage, l'époux en costume nœud papillon !!!

Ils sortirent la chevrette du coffre et la présentèrent à Boubou. Sa tête se leva, il huma l'air et commença un frémissement de sa babine supérieure.

Il avait senti la belle. Je le sortis de l'enclos, le laissa s'approcher et aussi vite sauta sur la pauvrette qui s’étala les quatre pattes en croix.

Un deuxième essai donna le même résultat : la pauvrette ne supportait pas le poids de mon Roméo.

Je suggérai que quelqu'un la maintint pendant que je « canalisais » le barbu. Le marié prit la chevrette entre ses deux jambes et la supporta sous le ventre.

Mon Boubou toujours aussi amoureux ressauta sur la belle qui resta debout mais donna un coup de patte...

qui fit reculer le beau qui « ensemença » la jambe droite du superbe costume...STUPEUR du marié, mais rien n'était conclu.

Il fallut recommencer l'approche et en moins de trois secondes l'affaire fut dans le sac. La belle avait enfin été honorée dans les règles de l'art.

Quatre assauts en deux minutes.

Cela vaudra cette réflexion qui raisonne encore dans mes oreilles de la part du beau père à son gendre :

« PRIN D'EL GRAINE MIN TCHO » (sous les joues rougissantes de la mariée).



                                           1977 La soirée extraordinaire.



Nous avions coutume, avec mon épouse, de passer dire un petit bonsoir à la tante Elisabeth L.

Elle avait tenu un café aux « Marionnettes » rue de Cracovie : « Le Rendez-Vous des Chasseurs » ( et quels chasseurs !)

Mais elle tenait maintenant la guinguette de Vimy, rue Sadi Carnot.

En cet fin d’après midi , nous constations qu’elle avait un problème.

Depuis plusieurs années elle avait comme pensionnaire Martin K.. Il avait appris le matin le décès de sa sœur.

Tante Elisabeth, occupée par des ouvriers qui faisaient de menus travaux, ne pouvait pas conduire Martin revoir sa sœur avant la mise en bière. Elle me demanda donc si je ne pouvais pas la remplacer.

Et nous voilà parti, Martin et moi, pour la cité du Tonkin à Meurchin.


                                               Fichier:Martin.jpg    Martin à gauche


Ce service ne me plaisait pas beaucoup, n’ayant jamais vu de mort à ce jour…Mais…

Une femme blonde en pull blanc et jeans, aussi moulant l’un que l’autre, nous ouvrit et accueillit.

C’était une nièce de Martin, une fille de la morte. Après l’accolade sur le pas de la porte, nous entrâmes.

Dans la salle de séjour, la morte était allongée sur le divan, en chemise de nuit , pantoufles aux pieds, un mouchoir sur le visage, un chapelet entre les mains jointes…

Martin se mit à genou, enleva le mouchoir et embrassa sa sœur avec tout l’enthousiasme de ceux qui ont vécu durement dans la cité des Garennes à Liévin et que la mort ne semble pas pouvoir séparer.

Plusieurs minutes d’émotion et de larmes.

Puis chacun s’assit autour de la table de la salle à manger et la nièce nous versa un verre qui viendrait compléter la vaisselle déjà sale.

3 ou 4 litres de vin vides, et une dizaine de canettes tenaient compagnie à quelques petites assiettes qui avaient dû contenir des biscuits.

Martin demanda les nouvelles de circonstances : comment, quand, a-t-elle souffert ?

Puis vinrent les questions plus inattendues : depuis quand es-tu sortie de prison ?

(Elle avait tué son mari d’un coup de couteau, un soir où il la battait comme à son habitude….)

Mère de huit enfants, elle avait « tout » pour ne pas le faire savoir : taille, allure, silhouette.

Puis des coups à la porte annoncèrent de nouvelles visites. La morte ayant de nombreux enfants, petits enfants et arrières petits enfants, nous nous retrouvâmes bientôt une bonne vingtaine, voire trente.

La bière et le vin accueillaient à chaque fois les arrivants.

Martin retrouvait ainsi, des frères, des sœurs, des neveux et des nièces perdus de vue.

Il arrosait d’un verre de rouge chaque souvenir.

Les tout-petits avaient pris place à côté de « mamie » sur le canapé. Ils comptaient les perles du chapelet, lui faisaient des baisers, lui caressaient les mains.

Elle n’était plus morte, elle dormait au milieu de sa famille.

Puis la mémoire polonaise reprenant le dessus, Martin se risqua à fredonner faiblement une chanson de leur jeunesse.

Ecouté avec émotion, il arracha des uns et des autres quelques mots de leur chanson.

Puis, le murmure pris de l’assurance, et les chansons de leur folklore bercèrent « la Mamie endormie ».

De la jeunesse on passa tout naturellement à l’adolescence, aux bals, aux chansons qui font l’âme polonaise.

Martin, debout, retrouvant sa jeunesse, emmena sa nièce dans quelques pas de danse dans les accents des chants slaves.

Seuls les petits enfants « s’occupaient » encore de leur Mamie.

Les adultes, sautant d’une d’anecdote à l’autre, d’un souvenir à un problème du lendemain, enfumaient tant la pièce que l’ambiance devenait londonienne par jour de brouillard.

Il fallait maintenant se quitter et rentrer à Vimy…Puis, ayant déposé Martin qui avait déjà commencé sa nuit durant le retour, avec mon épouse et les enfants, nous rentrâmes à Liévin en passant par le monument canadien.

Dans les phares de la 2 CV galopaient des dizaines de lapins…mais nul « képis » ouf !!!

Seul, le cinéaste espagnol Luis Bunel aurait pu imaginer et réaliser le film de cette soirée.

Paix éternelle à Mamie…



           Épisode n° 8       Le truc de Mamie



1977 Le Directeur Général des télécommunications, M. THERY, propose au gouvernement un grand plan de développement : « le téléphone pour tous. »

Auparavant il fallait s'armer de patience et attendre des mois voire des années pour obtenir le précieux appareil.

Ce plan ramène les délais à moins de 6 mois. Je pose donc une demande et vois arriver les deux installateurs 4 mois plus tard.


                                  Fichier:Téléphone.jpg      Ne vous moquez pas !


J'avais prévu une gaine enterrée du pylône sur la rue au domicile sur environ 45 mètres.

Pendant que le premier perce un mur du couloir pour mettre une prise, le second déroule une bobine de fil sur la rue et accroche une extrémité à mon « tire-fil ».

Mes deux techniciens entreprennent maintenant de tirer le câble.

Celui-ci avance de 4 ou 5 mètres puis résiste...

Mon costaud dans le couloir y met toutes ses forces et...casse mon tire-fil qu'il sort intégralement.

Je le regarde bouche ouverte.

Avec un naturel à vous ouvrir une boîte de thon, d'un sourire il me dit :

« - Vous repassez un tire-fil plus fort et vous nous rappelez !... »

Sous terre, 45 mètres, 2 coudes à angle droit ,qui peut passer un fil ?

Je m'assois, abasourdi par le travail que j'entrevois.

C'est à cette instant que ma mère, qui buvait une tasse de café dans la salle de séjour, me dit d'un air finaud : « c'est pas difficile !!! »

Je l'aurais avalée tout cru.

Elle insiste et dit à mon épouse :

« -Donnez moi une bobine de fil.


                                            Fichier:Bouchon.jpg


Comment tu vas faire passer le fil dans la gaine... ( Les mots qui me viennent à la bouche ne peuvent pas être entendus par les enfants.)

Découpe un bout de bouchon et fixe le au fil...

Après tu le fais descendre dans la gaine et tu le pousses avec un jet d'eau...

l'eau va entraîner le bouchon qui tirera le fil et tu vas le récupérer à l'autre extrémité.

Après tu tires un autre fil plus costaud... jusqu'à un fil de fer !!!

CQFD

15 minutes plus tard, un nouveau tire-fil était utilisable.

Je me demande si j'ai hérité de ce savoir faire...

À suivre