L'histoire par le trou de la serrure de 1950 à 1959

De Wikicitoyenlievin.

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L'eau des caniveaux était gelée et le givre avait orné de guirlandes les branches des arbres de la rue Montgolfier.  
L'eau des caniveaux était gelée et le givre avait orné de guirlandes les branches des arbres de la rue Montgolfier.  

Version du 17 février 2014 à 17:54

                     Fichier:Ma_tête.jpg     Vous pouvez me joindre au mail suivant :        lelievinois@gmail.com





                                    En ce 7 janvier 1950, l'hiver était bien là.

L'eau des caniveaux était gelée et le givre avait orné de guirlandes les branches des arbres de la rue Montgolfier.

Mais, c'était la période des vœux et il fallait mettre le nez dehors et se préparer à des heures de marche. Comme chaque année, nous allions présenter nos vœux à la sœur de mon grand père maternel.

Nous ne la voyions qu'une fois par an. 

Sa maison dans le petit coron rue De Lattre de Tassigny respirait la propreté et l'ordre. Ses deux enfants étaient toute sa fierté. Sa fille préparait son entrée à l'école normale... et deviendrait la directrice de l'école d'Angres. Son garçon, marié, avait rejoint le garage de son beau-père, fabricant de carrosserie en bois!( écolo...avant l'heure?) "Ma tante" nous attendait toujours avec une tarte maison au « libouli ».

Son mari m'avait toujours intrigué avec son prénom « Vulgan »...

Après les récits de l'année écoulée, il fallait penser au retour. Nous empruntons donc la rue Défernez plus éclairée. Et arrivait enfin le moment que j'attendais depuis le début de l'après midi, « la pharmacie » en bas de la rue François Courtin. La crèche illuminée dans la vitrine n'était pas mon attente,

moi, je voulais voir les sangsues qui nageaient dans leur aquarium boule. 
                                       Fichier:Sangsues.jpg


L'éclairage clignotant donnait un aspect surnaturel à ces « petits monstres » qui s'allongeaient lentement, se collaient à la vitre pour s'étirer à nouveau mollement dans un ballet irréel . Ces petits cônes noirs se tordaient, montraient leurs ventouses et s'écrasait sur la paroi. Mes yeux ne pouvaient se détacher de ces bêtes si « extraordinaires ». Ma mère , me tirant par la main, peinait à m'éloigner de ce monde du silence. Après quelques minutes, notre marche pouvait reprendre au milieu des panaches glacés que relâchaient nos respirations. Je les avais vues, j'avais vu les « terreurs effayantes » !



                                              1950   1er Mai


Pour un réveil en fanfare, ce fut un réveil en fanfare.

Sept heures n’avaient pas encore sonné qu’une musique nous tira du sommeil. En cinq secondes toute la famille fut à la fenêtre et aperçut au carrefour des rues du Colonel Renard et Edison un orchestre improvisé dans la benne d’un camion. Assis sur des chaises, un accordéoniste, un joueur de clairon , un autre avec une batterie entre les jambes et un dernier avec son fusil de chasse nous jouaient une aubade

Le final ponctué d’un splendide coup de fusil finit de nous réveiller.

Vive ce premier mai ! Tous nos voisins étaient bien sûr à leurs fenêtres. Et tout le monde applaudit cet orchestre d’un jour. Il ne nous restait plus qu’à nous lever et continuer la conversation à travers la route ou par dessus les jardins.

La journée s’annonçait ensoleillée.

Entre une petite tasse de «  jus » chez l’un puis chez l’autre, il fut décidé d’aller faire un pique nique à Lorette. Neuf heures et demi, dix heures, les salades de pommes terre préparées, nous pouvions enfourcher nos vélos.

La rue Montgolfier, la rue Henri Martin, le croisement de la rue Florimond Lemaire, celui de la rue Georges Carpentier, puis le chemin de terre qui nous amenait au croisement de la route d’Arras en bas de la côte ardue qui montait au sanctuaire de notre Dame de Lorette.

La montée se fit à pied car les vélos étaient chargés de sacs de provisions. Nous n’étions pas les premiers et nous dûmes chercher un coin ombragé à côté des tombes .

Un drap étalé par terre, nous pûmes enfin nous rafraîchir d’un bon verre d’eau encore fraîche. Les hommes burent leur premier verre de « Roi de Cœur » , le vin distribué dans la coopérative des mines. Puis vint le repas suivi d’une mini sieste et le match de foot avec tous les volontaires qui avaient envahi la prairie.

Les tombes militaires étaient à une dizaine de mètres mais personne ne songeait à un quelconque outrage. 


                                            Fichier:LORETTE.jpg


L’après midi était avancée et le retour fut joyeux ponctué de plaisanteries sur le comportement des uns ou des autres.

Une journée simple parmi ceux qui travaillaient dur le restant de l’année.


                     '1950 printemps  En hommage à Pierre L et à son épouse Diana'


Fichier:Pierre_et_Diana_.jpg



Ce dimanche après midi, nous voilà partis pour Lens rendre visite à des amis de jeunesse de mes parents.

Ils habitaient dans un coron rue Maës .

La conversation toujours animée tournait autour de leur adolescence au 16 de Lens : le chemin de fer, la barrière, le fossé (qui écoulait l'eau de la fosse 3), la guerre, l'occupation, le travail, la mine... Pierre L. était remonté « au jour » pour des problèmes de santé. Il commençait une arthrite rhumatoïde et ses doigts lui posaient déjà des problèmes pour saisir un objet ou rouler une cigarette. Mais les langues, elles, tournaient à plein régime.

Après les quartiers de tartes et les tasses de café arriva l'heure de se mettre à table pour partager des tartines couvertes d'une bonne couche de pâté avec les cornichons du jardin.

Le soir était tombé et notre hôte nous proposa une séance de cinéma ! ! !

Diana son épouse accrocha un drap sur la cheminée et Pierre installa son projecteur sur la table de cuisine. A ses côtés, une caisse renfermait des petites merveilles. Dans un bruit saccadé reconnaissable entre tous, s'agitait sur l'écran : « CHARLOT, LAUREL et HARDY , des dessins animés... des heures de rêves.

                                          Fichier:charlot.jpg

Les rires couvraient le bruit de l'appareil. Les bonds sur les chaises risquaient de mettre à mal le mobilier.

Personne n'avait pensé à regarder l'horloge : vingt trois heures. Il nous restait trois bons quarts d'heure de marche et un « chemin noir » aussi noir que son nom l'indiquait pour rentrer.

Cette soirée revenait à mon esprit chaque fois qu'en passant dans le centre de Liévin, je pouvais observer des caméras dans la vitrine d'un photographe. Sur leur présentoir, elles me faisaient languir et me confortaient dans mon désir d'en avoir une ,un jour . Celle avec une manivelle et sa tourelle à trois objectifs avait mes faveurs.

VISCONTI, RENOIR, René CLAIR, COCTEAU n'avaient qu'à bien se tenir.

Je demandai une caméra au Père Noël.

Si mon souhait ne fut pas exaucé tout de suite, il fut « entendu ». Le 10 novembre 1959, sur son lit de mort, mon père rappela à ma mère sa promesse. J'eus ma première caméra en 1967...et depuis tous les faits de la vie sont immortalisés.


                     1950	Quand les souvenirs flirtent avec le présent 


http://www.laprovence.com/article/france/les-pigeons-voyageurs-cest-son-dada

Voilà le genre d’article qui vous ramène 60 ans en arrière.

Dimanche matin, 7 heures, Radio Lille retransmettait la météo et les heures de lâchers de pigeons.

« 6 heures 30, ALBERT météo , vent ouest à pluvieux 6 heures 45, ORLEANS météo, orageux à couvert… »

Et ainsi toutes les stations de lâchers de pigeons étaient passées en revue.


                                         Fichier:lacher.jpg


Mon grand père, l’oreille collait à sa « TSF » n’aurait pas supporté le moindre bruit. A la fin, il se relevait en disant : « - Ils seront là à 11 heures un quart… »

Alors commençait l’attente. Les plateaux de grains étaient remplis, les abreuvoirs débordés d’eau fraîche, les clavettes qui fermaient l’entrée du pigeonnier vérifiées… Il tournait en rond dans la cour , s’occupant de ses coqs, ramassait les œufs, fumait une dernière cigarette avant l’heure fatidique. Les premières vagues filaient au ras des toits dans un claquement d’ailes que rien ne peut faire oublier. « - C’est « ALBERT », encore un quart d’heure.

Puis, enfin le point noir qui grossissait et qui venait se poser sur le toit en moins de 3 secondes. Quelques roucoulements et le héros du jour qui plongeait dans son pigeonnier. Mon grand père franchissait les douze barreaux de l’échelle en trois enjambées.

Puis dans l’univers du pigeon, il attrapait l’athlète d’une main sûre, lui enlevait la bague de couleur, la mettait dans le constateur et, clic d’un coup sec,

il pointait l’heure de l’arrivée. 10 secondes s’étaient écoulées..
             Fichier:constateur.jpg

Alors, malheur au « m’as-tu vu » qui se posant sur le toit, voletait sur l’arbre du voisin, puis paradait sur la faîtière durant des minutes sans souci

de son avenir qui était déjà tout tracé : le pigeon aux petits pois du lundi !



                                      1950 :  La mauvaise « bonne idée »


Le bruit avait couru qu’une nouvelle fosse allait être différente des autres par son absence de chevalements visibles : le 19 de Loos en Gohelle. Elle aurait un terril à ses côtés.

Déjà les entreprises de bâtiments avaient trouvé une décharge sauvage pour leurs déchets...

Mon grand-père avait vu les amoncellements de briques, tuiles, bois ou tôles rouillées. Il avait donc décidé de construire des nouveaux pigeonniers avec ces rejets bons marchés. Il remit en état un vieux char à banc réduit à sa plus simple expression : deux roues, deux brancards et une plate forme. Il pourrait ainsi faire plusieurs brouettes de briques en un seul voyage…

                                            Fichier:charette.jpg

Nous voilà donc partis... le passage à niveau du 16 de Lens, puis la rue de La Liberté.

Chaque fois que j’empruntais ce chemin , je ne pouvais me demander , avec curiosité, ce que la maison de « l’original » allait nous faire découvrir ! Située face à la rue Saint Pierre, elle se remarquait avec ses murs doublés de vitres pour faire un chauffage gratuit .( Un écolo avant l’heure.) J'y voyais des gerbes d’étincelles dans la lumière aveuglante de l’arc électrique.

Notre inventeur inventait.
N’avait-il pas fait une machine à laver en tôles galvanisées pour ma grand-mère ? 
Ancêtre de nos machines actuelles , elle était carrée avec une roue à ailettes sur un plan inclinée dans le fond de la cuve. 
Elle  n'avait rien à voir avec les machines en bois de l’époque. 

Cette maison passée, nous continuâmes vers le « retour-d’air » du haut de la rue, et derrière, nous découvrîmes la décharge.

                                         Fichier:retour d'air.jpg
J'escaladais les monts à la recherche de trésors. Mon grand-père d’un coup sec de sa massette décollait des briques . 

Puis d’un autre coup précis de sa truelle, il faisait sauter le mortier pour faire apparaître une brique « décrottée ». Après un travail acharné, le char à banc fut chargé.

Mon grand-père semblable à un cheval tirait de toutes ses forces . Moi, je faisais semblant de pousser… Nous nous retrouvâmes en haut de la rue de La Liberté.

Commença alors la descente beaucoup moins pénible. Mais mon aïeul avait oublié son poids ( 50 kg ) pour freiner le chargement. 
« L’attelage » prenant de la vitesse, il essaya désespérément de ralentir un mettant la roue dans le caniveau… 
Arc-bouté sur ses talons, il tenta de freiner. Mais, il accélérait, trottinait, courait, ne courait plus…porté par les brancards du char à banc…
Et catastrophe ! Toutes les briques volèrent dans tous les coins, le chariot sur le dos et mon grand père les quatre fers en l’air.

Oh, miracle, aucun de nous deux ne fût blessé. Penauds, nous rentrâmes avec deux rangs de briques, et il refit les autres voyages avec sa bonne vieille brouette.



                                         1952 : Arrivée de la télévision à Liévin

Fin juin 1952, ma mère et moi avions passé quelques jours chez Jean V. un cousin de ma mère à Tourcoing.

Personnage inoubliable, haut en couleur. Venant de quitter la rue Papin pour la rue Du Colonel Renard, 

j’étais davantage habitué aux casquettes et aux bleus de travail qu’au costume cravate et chapeau qu’il portait pour son travail dans une banque.


De sa jeunesse d’apprenti boxeur, il avait gardé une oreille en chou fleur. Et de son passage dans la résistance, il rayonnait une joie de vivre que rien ne semblait pouvoir altérer.


Il possédait un berger allemand qui avait décidé, à la grande joie de son épouse Denise, de passer ses nuits sur la table de cuisine. Attention à la vaisselle oubliée…Sa voiture était une Ford des années 1930, pour moi : l’auto de CHARLOT.

                                        Fichier:Voiture_.jpgford 1930
Mais ce cousin, si original, avait aussi une télévision !

Je crois que mes yeux sont restés bloqués sur cet objet sans pouvoir les en détourner. Imaginez un écran de 36 cm dans une énorme caisse avec des images qui bougent et qui parlent…comme au cinéma ! Une séquence me revient à la mémoire comme un souvenir d’hier.


Un homme saute à la perche 4m. Il s’agissait des championnat de France qui étaient retransmis de Paris. La prouesse technique n’était possible que depuis février 1952.( J’ai vérifié la véracité des faits sur internet ).


Rentré à la maison, j’ai raconté tout cela à mon père. Comme à son habitude, il n’avait rien dit, mais une idée avait germé dans son esprit. Il s’achèterait aussi une télé avec la prime à la naissance de mon frère… J’entends déjà vos commentaires. Non, nous ne manquions de rien. Mon père ne buvait pas, ne sortait pas, et ne fumait qu’un paquet de « Bleu » par semaine.

Il voulait que son repos dominical, et la détente profitent à tous.


Et voilà donc toute la famille qui prend le bus pour Lens et les Établissements Lefebvre sur le Boulevard Basly , les seuls à vendre des télévisions. Quelques jours plus tard, des ouvriers installent le râteau sur le toit, et notre télé reçoit ses premières images (en 43 cm ).

Nous sommes les deuxièmes de Liévin après le « café de l’Habitude » rue Montgolfier, les précurseurs.

Nous étions sur la langue des gens, les ragots allaient bon train, même dans la famille. Mon père s’en moquait. Mais, il a dû mettre dehors pas mal d’anciens amis qui se rappelaient à notre bon souvenir… Impossible de regarder « Trente six chandelles », l’émission phare, jusqu'à minuit et de se lever à 4 heures pour le poste du matin !

Mais, il y avait aussi de bons moments. Un jour, ma mère avait invité notre voisine à venir voir la télé. Toutes les deux tricotaient en attendant leur mari.

La soirée se passa calmement jusqu’au match de catch. Quelques dizaines de minutes plus tard, le « méchant Delaporte » avait eu raison du tricot de notre voisine qui tirait inconsciemment sur ses « points » à « chaque manchette », pliait ses aiguilles comme les jambes des catcheurs.

                                              Fichier:catch.jpg


Lorsque mon père rentra, il trouva celle-ci au milieu d’un amas de fils entremêlés, cassés, tortillés, et 2 aiguilles tordues,inutiles…

Le pull disparu... Vive la télé…



                                               1952 juin 9 ans et faire BRIQUET avec s'in père



16h30 un samedi de juin 1952… La cloche de l’école du 3 de Lens vient de sonner et toutes les classes sortent. Il n’y a pas d’étude le samedi. Des groupes se répartissent le terre-plein devant le portail et les parties de billes peuvent commencer. Les « paquets » explosés rapportent des poches de billes aux gagnants. 10 mn, 1 quart d’heure plus tard, résistent un ou deux groupes…Puis c’est le départ triomphal des derniers gagnants. La place se vide…et j’attendais ce moment.

                                              Fichier:fosse Saint Amé.jpgfosse Saint Amé


Je m’approche de la petite porte en fer à droite de l’entrée de la fosse Saint Amé. Je la pousse et pénètre dans la cour étrangement vide et silencieuse. A droite la grande salle où sont payées les « quinzaines », à gauche la grosse meule et le poste de garde.


Sa porte est ouverte et seul un garde des mines relit des notes. D’un coup de tête, il me fait signe d’approcher. Je lui explique me mon père est lampiste et qu’il a oublié son repas que je lui apporte. D’un autre cou de tête, sans un mot, il me fait signe que je peux y aller.

Je traverse alors la grande cour si animée à mes autres visites, et pour cause, les jours de paie. Entre le chevalet en fer et celui en béton, l’entrée de la fosse. Une lourde porte en fer que je peine à ouvrir. Des portes ouvertes des lavabos s’échappent encore des relents d’humidité. Le calme, l’ombre, des bruits profonds qui viennent d’on ne sait où. Mon père est là derrière son mur grillagé. Il m’ouvre la porte et me voilà au milieu de centaines de lampes de mineurs. Les lampes électriques à barrette, et beaucoup moins nombreuses, l’étagère des lampes à benzine.


                                              Fichier:lampisterie.jpg

Mon père me montre comment ouvrir une de ces lampes en l’approchant d’un puissant électroaimant dissimulé sous le guichet. Il devient alors possible d’en faire tourner la tête et de l’ouvrir. Il était occupé à cette tâche à mon arrivée afin faire le plein de liquide, ou de remettre une pierre à briquet pour l’allumage.

Tout à coup, la lourde porte d’entrée émet un bruit et un pas se fait entendre. Mon père me pousse dans un placard et referme la porte. Je l’entends parler à son interlocuteur, mais le dialogue et étouffé et incompréhensible pour mes oreilles de gamins de 9 ans. Puis le silence revient, et mon père me libère : c’était le chef-porion qui avait besoin d’un renseignement. Nous nous installons alors tout les deux auprès d’un lourd établi

et sur son conseil je commence à astiquer une lampe qui brillait déjà avant mon travail, mais va savoir !

Je faisais briller les cuivres de la lampe de l’ingénieur

Puis mon père ouvrit sa musette sortit son casse croûte : tartines au saindoux et « boutelot » de café allongé à l’eau… Ce n’était pas vraiment du pain d’alouette car il n’était pas descendu au fond, mais c’était un régal qu’il m’arrive encore de perpétuer les soirs de fringale.


L’ingénieur n’a jamais su qu’un enfant de 9 ans avait fait briller sa lampe et fait briquet avec s’in père dans la fosse Saint d’Amé du 3 de lens. Que de souvenirs…




                                                     1952 Noël


C’est mon Noël.


En 1950 j’avais eu un train électrique avec trois wagons qui déraillaient sans arrêt. Je n’avais pas le droit d’y toucher, car il y avait de l’électricité. En 1951, j’ai eu un vélo, un bâtard, pas à trois roues, ni un vélo d’adulte, entre les deux. Un nombre de blessures à bloquer les urgences !

Mais depuis plusieurs années, je demandais à ma maman, un « petit » frère ! Sans réponse.

Et voilà qu’arrive 1952. Mai, juin on me laisse entendre que, peut être, si « je suis sage », j’aurai un petit frère. Pas question, je le veux pour Noël ! On m’explique que le Père Noël peut avoir du retard, ou de l’avance… Les visites que nous avions faites à (Marie P…) la sage femme nous avaient laissés sur notre faim. Bref, on me maintenait dans l’espoir d’avoir un petit frère ( ? )mais à une date…imprévisible.

Décembre, nuageux, neigeux, froid. La famille décide de me mettre en « vacances » chez ma grand- mère, rue Jules Guesde.

25 Décembre 1952

Ma grand-mère était partie tôt le matin avant mon réveil. 9 heures, mon grand-père et moi rejoignons les pieds dans la neige la rue du Colonel Renard. Effervescence devant notre numéro deux….

« Les mères chrétiennes occupaient la place. »

On me demande de dire bonjour, puis, on me laisse monter dans la chambre côté ouest.


Arrivé, à l’étage, je vois ma mère alitée un peu rouge avec M.P., la sage femme, et un petit lit… …Mille milliards, comment exprimer la réalisation d’un désir aussi fou ? Ce petit frère…le jour de Noël… ( prévu pour le 25 janvier !) Le loto d’aujourd’hui, même super, ne peut pas exprimer la bouffée de joie qui m’envahit ! Non, je rêve, on me trompe, on me met un train inutilisable, un vélo trop grand…

Et si c’était une fille…une sœur ?


                                           Fichier:Noël.jpg


Ma retenue, mon retrait, intrigue la sage femme et ma mère qui me demande ; «  Qu’est-ce que tu as, tu l’as ton petit frère. » « - Je veux voir si c’est un frère !!!!!!! » Marie P. déshabillera le nouveau-né pour me convaincre…

Je l’ai alors serré si fort dans mes bras qu’il a fallu me faire lâcher prise.

Mon frère s’appelle Noël.



                                    1953 « Pique trèfle carreau soleil »


C’est par ces mots que ma grand mère désignait le « grand R. D. »

Chômeur de profession, il avait tout le temps libre pour s’occuper de ses affaires. Ce copain ,ex membre de la famille, venait chercher mon grand père à la maison tous les dimanches à 13h15.

Puis, avec son side-car, ils écumaient tous les débits de boissons de la région jusqu’à la frontière belge. Une ducasse, une course à vélos, un combat de coqs… rien ne leur échappait.

Mais qu’allaient-ils y faire ?
C’est là que le « grand Raymond » gagnait sa vie !

Il organisait des paris clandestins avec une verve et un savoir faire indéniable. Arrivé au café complaisant, après une tournée générale, il installait son tapis vert sur une table et commençait son baratin.

Mon grand père, complice, commençait à jouer l’argent que le « grand Raymond » lui avait confié.
Puis, les parties engagées, son  travail ( j’ose à peine le dire) consistait à surveiller les environs. 
En faction dehors, près de la porte, il attendait la venue de la marée-chaussée…


                                         Fichier:les_2_larrons.jpgles 2 larrons


Dès « les hommes en bleu » aperçus, il rentrait et le tapis vert se refermait.

J’ai ainsi pu voir toute cette mise en scène au café « Noël » au carrefour de l’habitude rue Montgolfier un jour de ducasse.

Mon grand père me donnant même de l’argent pour jouer « à sa place ». Les retours étaient souvent accompagnés de «coqs ou de pigeons » laissés en gage de paiement.

Vous avez dit « poker à la télé » !




                                            1954 printemps :La « quinzaine »


La douceur, le ciel bleu semé de quelques nuages avaient laissé entrevoir l’arrivée du printemps. J’avais donc pu jouer « dehors » , dans la rue, comme les autres enfants. Les 2 voitures qui passaient par jour ne pouvaient pas nous mettre en danger. Quant au cheval tirant le chargement de bière, il n’était que l’occasion de nous faire une ballade gratuite jusqu’à l’entrée de la rue James Watt. ça sentait déjà les prochaines grandes vacances.


Tout à coup, mon regard fut attiré par un bout de carton de couleur brique dans le caniveau… Le carton qui permettait aux mineurs de toucher leur « quinzaine ». Je m’approche, le ramasse, l’ouvre : la fiche de paie, quelques billets de banque et la monnaie roulée dans un billet… Je cours porter ce petit pactole à ma mère. La fiche de paie portait l’inscription : Mohamed X… Que faire ?

Pour moi, la seule chose qui m’importait ce jour là, était l’arrivée de Madame G. avec son chargement de livres.

Elle portait à domicile, chaque semaine, les abonnements de chacun.
Et moi, j’attendais Le Pèlerin…et surtout Pat’Apouf !
                                              Fichier:Pat_Apouf.jpg


Voilà justement sa mobylette, avec ses deux gros sacs et son cageot sur le porte bagage, qui débouche au coin de la rue Edison. Elle s’arrête devant notre maison, sort le « Nous Deux » et mon magazine de l’un de ses sacs et entre dans la cour. Ma mère est toujours à regarder sur la table de cuisine le petit trésor que j’ai rapporté. « -Regardez, Madame G. ce qu’Albert à trouvé ! » Un rapide coup d’œil de Madame G qui annonce : « - Je sais où il reste, car j’ai une cliente qui est sa voisine. C’est rue Lully dans la cité Magnesse… » Comment cet argent s’est –il retrouvé à 3 km de sa destination ?

Madame G. annonce que sa tournée est pratiquement finie et qu’elle peut m’y conduire.

Quelques minutes plus tard je la suis avec mon vélo. Le faux plat de la rue Montgolfier a vite raison de mon ardeur à vouloir suivre la mobylette. Elle ralentit et m’attend. Le pont Planard au dessus des voix de chemin fer , puis la cité et ses rues de terre, de cailloux, de flaques. Rue Lully nous posons nos véhicules et frappons à la porte.

Une dame nous ouvre, les larmes dans les yeux et demande dans un français hésitant le sujet de notre venue. Madame G dit : «  - On peut entrer, le petit à quelque chose pour vous ? »La dame s’efface et nous pénétrons dans la cuisine.

Mohamed X est là, assis à côté de son poêle, le pied sur le bac à charbon, la tête appuyée sur sa main, le regard vague… Je sors alors de la poche intérieure de mon blouson, la paie que j’avais tâtée tout au long de la route pour être sûr de ne pas la perdre.

                                                     Fichier:paie.jpgmodèle


Deux cris…
Deux regards fous…
Deux  joies incontrôlables…
Deux têtes d’enfants qui passent par l’entrebâillement de la porte de salon…
Deux étreintes…qui m’empêchent de respirer…
Deux minutes de vrai bonheur…

Pour la première fois de ma vie j’ai goûté au thé à la menthe…et aux pâtisseries aux goûts d’ailleurs… Je n’ai jamais revu cette famille. 10 ans plus tard, rue Henri Martin, dans un petit chalet au fond du jardin, Madame G. deviendra locataire de ma mère jusqu’à sa mort et celle de son époux.




                                     1954  Découverte du bois de Riaumont



Le samedi après midi , ma classe de sixième était divisée en deux groupes.

Une vingtaine d'élèves apprendraient à relier un bouquin et les autres feraient du sport.

N'ayant pas de livre à la maison, ma famille ne lisant que NORD MATIN, je serai donc un sportif !

Je pourrai suivre la progression du travail des camarades en rentrant de sport en fin de journée.

Pour l'heure, notre groupe quittait l’école Paul Bert avec M.P, notre professeur . Direction le jardin public , puis nous grimpions une petite décharge derrière le centre médical et débouchions sur la colline et la lisière du bois de Riaumont.

Premières et dernières consignes : « -Je veux voir tout le monde au troisième coup de sifflet, compris ! »

La vingtaine d’élèves se dispersait alors dans le bois, recherchant les trous d’eau pour y faire des rencontres ( crapauds salamandres ) , ou encore organisait un grand saccage de branches pour le plaisir …


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J’ai ainsi appris à connaître tous les coins du bois : ceux avec les amoureux, ceux avec des casemates, ceux qui donnaient sur la rue Thiers et ses petites boutiques…

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Pendant ce temps, notre professeur « tapait le carton » avec trois élèves dans une petite clairière au gazon rasé.


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Quand il faisait froid, nous avions droit à deux tours de la grande prairie sur le plateau puis à un court match de foot. Après, tout le monde se retrouvait à l’abri du vent dans la forêt. J’ai bien aimé ces cours de sport.



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Chaque jour en revenant de la plage de Berck-plage, nous passions devant un café dans la rue principale.

A sa devanture, sur une grande ardoise figurait le nom du vainqueur de l’étape et celui du maillot jaune : « Roger WALKOWIAK », un inconnu !

Mes parents avaient succombé aux récits de Félicienne et de Roger D.

Ces amis fréquentaient Berck depuis deux ans déjà et narraient avec un plaisir certain les pêches à la crevette au petit matin ou les seaux de coques ramassées dans la baie de l’Authie.

Pour quinze jours, nous avions récupéré une grande pièce au dessus d’un garage à côté de l’hôtel REGINA, lieu de villégiature des mineurs chanceux (sic).

La température de la mer oscillait entre dix sept et dix-neuf degrés et ne me donnait pas vraiment envie de baignade prolongée.


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L’odeur continue de poisson me rappelait trop les six mois où j’avais dû en manger après ma méningite.

La pluie et le vent chargé de sable qui croquait sous la dent en permanence n'en finissaient pas de me rappeler « - tout ! sauf la mer... ».

Et pour couronner l’ensemble, cette phrase que je mis dans une rédaction de rentrée et qui me fut rappelée comme un leitmotiv toute ma jeunesse:

« J’ai trouvé un’ étoile ed’mer , d’un l’guleau un face d’un pichonnerie ! »

Mes parents ne parlant que le patois ne m’avaient fait écouter que ce dialecte... Le français était la langue étrangère que l’on parlait et apprenait à l’école. Chti, ti t’as compris.

Après mon mariage, en couple, nous retournâmes à Berck et au Touquet tous les 1er novembre durant au moins dix ans…Pas rancunier.


                                    1957 match de foot



Mon prof de sport du collège Descartes, Monsieur M P, m’avait demandé de venir ce jeudi là pour participer à un match de foot contre une sélection…inconnue et qui le restera…comme mon match d’ailleurs.

Le temps , gris et froid, conservait des plaques de gelées blanches qui tachaient la pelouse ( plutôt le champ labouré) du deuxième terrain du parc de Rollencourt . Nous étions une dizaine, frigorifiés, dans l’immense chalet de bois à nous habiller.

Puis vint le temps des chaussures. Je n’avais jamais mis de chaussures de foot et je n’en possédais pas ! Mon prof, très participatif me confia une paire qu’il avait en stock.


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Ces godasses, antiques, gelées, dures comme un bout de bois me résistèrent un maximum à l’enfillement.

Et là, commença ma punition. Un crampon avait percé la semelle et s’invitait sous ma plante de pied.

Impossible de faire un pas Je cherchai de quoi renfoncer cette pointe ou de la tordre : un caillou, un bout de bois ou de fer…

Je tournais une chaussure à la main autour du chalet dans l’espoir de trouver un remède à ce problème.

Après moults efforts sans aucun résultat, je décidai de remettre mes baskets.

Le dernier nœud fini, j'aperçus les deux équipes qui rentraient dans le chalet, chassées par une averse de grêles.

Le match fut arrêté et mes malheurs aussi.

Ce fut ma seule « prestation » sur un terrain de foot !

Je bénis le sport qui m’a gardé en forme…

À suivre