L'histoire par le trou de la serrure 3

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'''En hommage à Pierre L et à son épouse Diana'''
 
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'''1950  Printemps'''
 
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Ce dimanche après midi, nous voilà partis pour Lens  rendre visite à des amis de jeunesse de mes parents.
 
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Ils habitaient dans un coron rue Maës .
 
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La conversation toujours animée tournait autour de leur adolescence au 16 de Lens : le chemin de fer, la barrière, le fossé (qui écoulait l'eau de la fosse 3), la guerre, l'occupation, le travail, la mine...
 
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Pierre L. était remonté « au jour » pour des problèmes de santé. Il commençait une arthrite rhumatoïde et ses doigts lui posaient déjà des problèmes pour saisir un objet ou rouler une cigarette. Mais les langues, elles,  tournaient à plein régime.
 
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Après les quartiers de tartes et les tasses de café arriva l'heure de se mettre à table pour partager des tartines couvertes d'une bonne couche de pâté avec les cornichons du jardin.
 
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Le soir était tombé et notre hôte nous proposa une séance de cinéma ! ! !
 
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Diana son épouse accrocha un drap sur la cheminée et Pierre installa son projecteur sur la table de cuisine. A ses côtés, une caisse renfermait des petites merveilles. Dans un bruit saccadé reconnaissable entre tous, s'agitait sur l'écran : « CHARLOT, LAUREL et HARDY , des dessins animés... des heures de rêves. Les rires couvraient le bruit de l'appareil. Les bonds sur les chaises risquaient de mettre à mal le mobilier.
 
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Personne n'avait pensé à regarder l'horloge : vingt trois heures. Il nous restait trois bons quarts d'heure de marche et un « chemin noir » aussi noir que son nom l'indiquait pour rentrer.
 
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Cette soirée revenait à mon esprit chaque fois qu'en passant dans le centre de Liévin,
 
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je pouvais observer des caméras dans la vitrine d'un photographe.
 
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Sur leur présentoir, elles me faisaient languir et me confortaient dans mon désir d'en avoir une ,un jour . Celle avec une manivelle et sa tourelle à trois objectifs avait mes faveurs.
 
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VISCONTI, RENOIR, René CLAIR, COCTEAU n'avaient qu'à bien se tenir.
 
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Je demandai une caméra au Père Noël.
 
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Si mon souhait ne fut pas exaucé tout de suite, il fut « entendu ».
 
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Le 10 novembre 1959, sur son lit de mort, mon père rappela à ma mère sa promesse.
 
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J'eus ma première caméra en 1967...et depuis tous les faits de la vie sont immortalisés.
 
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'''1950.01.07
 
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'''VOEUX DU NOUVEL AN'''
 
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« S'il gèle à la saint Raymond, l'hiver est encore plus long »
 
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'''En ce 7 janvier 1950, l'hiver était bien là.
 
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L'eau des caniveaux était gelée et le givre avait orné de guirlandes les branches des arbres de la rue Montgolfier.
 
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Mais, c'était la période des vœux et il fallait mettre le nez dehors et se préparer à des heures de marche.
 
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Comme chaque année, nous allions présenter nos vœux à la sœur de mon grand père maternel.
 
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Nous ne la voyions qu'une fois par an. Sa maison dans le petit coron rue De Lattre de Tassigny respirait la propreté et l'ordre.
 
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Ses deux enfants étaient toute sa  fierté. Sa fille préparait son entrée à l'école normale... et deviendrait la directrice de l'école d'Angres. Son garçon, marié, avait rejoint le garage de son beau-père, fabricant de carrosserie en bois!( écolo...avant l'heure?) Elle nous attendait toujours avec une tarte maison au « libouli ».
 
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Son mari m'avait toujours intrigué avec son prénom « Vulgan »...
 
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Après les récits de l'année écoulée, il fallait penser au retour.
 
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Nous empruntrions la rue Défernez  plus éclairée.
 
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Et arrivait le moment que j'attendais depuis le début de l'après midi, « la pharmacie » en bas de la rue François Courtin.
 
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La crèche illuminée dans la virine n'était pas mon attente.
 
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''Moi, je voulais voir les sangsues qui nageaient dans leur aquarium boule.''
 
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L'éclairage clignotant donnait un aspect surnaturel à ces « petits monstres » qui s'allongeaient lentement, se collaient à la vitre pour s'étirer mollement à nouveau dans un ballet irréel .Ces petits cones noirs se tordaient, montraient leurs ventouses et s'écrasaient à nouveau sur la paroie. Mes yeux ne pouvaient se détacher de ces bêtes si « extrordinaires ». Ma mère , me tirant par la main, peinait à m'éloigner de ce monde du silence. Après quelques minutes, notre marche pouvait reprendre au milieu des panaches glacés que relâchaient nos respirations.
 
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'''Je les avais vues.'''
 
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'''2013.01.09 Bonne Année'''
 
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Chaque année, début novembre, je reçois une invitation pour la « réception des aînés »
 
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(des vieux, en somme).
 
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Mon épouse, à chaque fois, me dit la même chose :
 
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«  Tu devrais y aller, tu ferais des connaissances, ça te sortirait... »
 
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Et je lui rétorque immanquablement la même réponse:
 
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« Quand la municipalité m'invitera pour faire parti du comité de sélection de la miss du village : OK »
 
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Je n'aime pas les vieux !
 
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Vous discutez avec des « jeunes », ils vous parlent de leurs études, de leurs envies, de leur futur travail, de leurs voyages, de leurs copains...
 
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Vous discutez avec « un vieux », il vous parle de son diabète, de son cholesterole, de son hypertension, de ses rhumatismes... j'en passe et des meilleurs.
 
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Et à chaque fois je lui dis : « Si je raconte ma vie...on y passe la nuit ! »
 
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Car, je pourrais être un cas d'école. oh ! sans gloire, avec beaucoup de souffrance.
 
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Je me fais un malin plaisir à savouer par avance le récit de mes maladies...
 
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Accrochez-vous !
 
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Tout jeune « bébé » ma mère me tient dans ses bras dans le jardin de ma grand mère, rue  « Jules Guesde » quand les anglais bombardent la gare de LENS en 1944. Elle voyait les bombes tomber au dessus de sa tête pour finir  sur la gare.
 
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Pris de panique, elle m'écrasait dans ses bras, et je ne dois mon salut qu'à la présence d'esprit de ma grand mère qui l'a gifflée et arrachée de l'étreinte.
 
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Puis, à dix huit mois, je me suis mis à tousser pour ma coqueluche.
 
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A quatre ans, on découvre que j'ai une décalcification des os.
 
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On me donne comme traitement des séances de rayons ultraviolets.
 
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Mon père demande alors à travailler au poste du matin, pour pouvoir mes conduire deux fois par semaine au centre médical route de Béthune à Lens. Il venait me chercher l'après midi à l'école, et nous partions tous les deux sur son vélo où il avait posé sur le cadre une petite selle et deux repose-pieds sur la fourche avant.Je sens encore son souffle dans mon cou, quand il fallait grimper, au retour,  la côte pour arriver au carrefour « Plumecocq ».
 
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Ces visites ,chaque fois plus longue ( de 5 mn à 45 mn),avaient toujours le même rituel : tout nu sur un lit de mousse, sur le ventre, sur le dos, une paire de lunettes de plongée, et une minuterie qui n'avançait pas...
 
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A partir de de quinze minutes, les retours à la maison s'annoncèrent plus délicats. Je brûlais, je pelais...et le talc n'avait qu'un effet « placebo ».
 
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Mais, j'étais bronzé...
 
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A cinq ans, ma mère m'emmène voire une cousine Valentine L., encore rue Jules Guesde près de la barrière du seize, et qui habitait un baraquement avec sa famille. Elle avait seize enfants , sans compter les fausses couches... En arrivant, et après les nombreux baisers, ma mère dit à Valentine : «  tu as un enfant derrière la cuisinière ! »
 
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« -Oui, il a toujours froid et y veut plus sortir !!! »
 
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Il mourra de tuberculose quelques mois plus tard...en me refilant sa maladie.
 
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Un autre de ses enfants, lui aussi atteint, ira à Helfaut , et s'en sortira.
 
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Ma grand mère décida que la famille s'occuperait seule de mes taches au poumon.
 
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Régime, régime,Régime...
 
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1949 ...viande midi et soir.
 
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Chaque mercredi j'avais droit à un steack haché de cheval arrosé d'une louche de soupe au lard bouillante.
 
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Mais, chaque jour, à midi, avant le repas, un jaune d'oeuf battu dans un verre de vin Monbazillac devait me remonter.
 
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Je repartais à l'école à demi-ivre.
 
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J'ai dû manquer très peu l'école...et contaminer quelques copains !
 
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A six ans, le Docteur B du trois de Lens avait beau me gratter la plante des pieds avec une plume d'écolier, je ne ressentais rien : j'avais une méningite.
 
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Régime, régime, régime...
 
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cette fois, à base de poisson, bon pour le cerveau suivant la coutume.
 
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Chez ma tante, les soles et les carrelets , chez ma grand mère le cabillaud, et à la maison les harengs et les maquereaux ...l'horreur !
 
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Six mois durant, je ne mangeais que du poisson, je ne sentais que du poisson, je vivais avec du poisson.
 
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Puis commença la série des bronchites, des congestions.
 
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Chaque année, l'une et l'autre.
 
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Je vous fais grâce des « enveloppements » et des cataplasmes qui rythmèrent ces hivers.
 
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Tous ces « régimes » avaient fini par me détraquer le foie.
 
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Un jour, mon père fut convoquer par mon instituteur pour lui signaler que j'avais vomi  une dizaine de fois toute l'après midi. Que j'avais laissé la classe, les escaliers, la salle de sport, la cour et les WC dans un triste état.
 
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Comme d'habitude, on trouva la solution.
 
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Ce problème, arrivé aux oreilles de notre marchand de beurre ambulant, amena celui-ci à proposer  ses services.Il était radiesthésiste et annonça venir la semaine suivante avec son pendule.
 
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Je me retrouvais donc debout entre ses jambes avec un « truc » avec une ficelle qui voyageait de droite à gauche devant mon estomac.Le résultat ne se fit pas attendre : je relachai une puissante et continue gerbe de vomi à plus de deux mètres.
 
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Ma mère fondit en excuses, mais ce n'était que flatter le savoir-faire de notre guérisseur.
 
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« - Voilà, c'est fait, j'ai « purgé » sa bile !? »
 
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Quelques grippes, comme de tout à chacun, et pour mes dix huit ans commence ma lucite polymorphe. Maladie incurable qui vous éloigne définitivement du soleil.
 
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Un séjour au CHU de Lille calculera le temps que je mets pour le premier coup de soleil : 7 secondes ! Qui dit mieux ?
 
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Imaginez qu'en ouvrant vos volets le matin, vous seriez déjà brûlé.
 
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Maintenant commence le meilleur.
 
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1962-1990 : huit pneumonies. Une tous les 3 ou 4 ans !
 
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Sachant que la pneumonie est la première cause de décès aux USA, on peut s'inquiéter.
 
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La dernière mérite qu'on s'y attarde.
 
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Ce matin là, mes élèves venaient de prendre place, et la porte de communication entre les classes s'ouvrit pour laisser entrer ma collègue qui m'apportait la fiche qui comptabilisait les  demi-pensionnaires. Fait inhabituel, car d'habitude c'était un élève de servive qui s'en chargeait.
 
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Ma collègue me regarda et me dit : « -ça va, vous avez l'air tout drôle. Vous avez encore fait la fête hier ? » et elle me mit  la main sur le front... « Mais vous brûlez, vous êtes malade ?  Il faut rentrer chez vous, on va s'occuper de vos élèves... » « Oui, c'est vrai, je vois ma classe qui balance sans arrêt. »Ce geste inhabituel de ma collègue m'avait peut-être sauvé la vie.Je rangeai mon cartable, je signalai mon départ à la directrice et je rentrai.Je téléphonai à mon médecin qui s'étonna de mon coup de fil. Il m'avait aperçu de loin le matin...j'avais sa fille en classe. « -J'arrive me dit-il »
 
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9h15, il m'osculte, me regarde et dit : « il va falloir faire des radios » , puis se retournant, il aperçoit mon téléphone, le décroche et appelle le cabinet radiologique rue Lamendin.
 
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« -10h ? c'est parfait ! » Il m' avait obtenu un rendez-vous en moins de 30 mn.
 
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10h15, mes radios terminées, le radiologue me prend dans son bureau pour me dire de voir un spécialiste.
 
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Il décroche à son tour son téléphone et me prend un rendez-vous chez le docteur D à Lens.
 
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« Pour 11 h, un signe de tête, c'est bon, je vous l'envoie". 
 
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Je rentrai chez moi, et retrouvai mon épouse qui n'avait que 2 heures de cours ce jour là et qui s'étonna de me voir rentrer du radiologue.
 
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J'étais comptant de la voir, car la conduite de ma voiture devenait de plus en plus délicate.
 
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Elle me conduira donc pour 11h route de Béthune.
 
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«  On va refaire les radios pour confirmation. »
 
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11h 15, « Bon, je vous attends au CHU de Lens à midi ».
 
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J'avoue que tous ces évènements successifs ne m'avaient pas vraiment alerté. Je vivais dans un brouillard qui s'épaississait.
 
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12 h, Le docteur D vint me chercher dans la salle d'attente et me conduisit dans un petit cabinet où je fus rejoint par un chirurgien tout de vert vêtu, le masque sous le menton.
 
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« Ouvrez la bouche, tirez la langue. » Il me pulvérisa un produit et me dit de patienter quelques minutes durant l'anesthésie.  Le docteur D. me proposa de le suivre dans une salle et me fit asseoir les bras croisés sur une grande table de bois. Il demanda à deux de ses collègues de le rejoindre par les communications intérieures.Ils étaient trois devant moi et une infimière qui préparait l'intervention.
 
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Il me bloqua la bouche grande ouverte avec une cale. Un petit tube commença alors à s'enfoncer dans la gorge, puis... plus rien, l'anesthésie avait fait son effet. Le tube s'enfonçait. D'un coup d'oeil dans l'oeilleton, le docteur D. guidait la descente. C'est alors que l'infirmière adapta une bouteille de sérum physiologique. Elle tourna le robinet et ...rien, je ne ressentais rien. Le liquide s'écoulait, devait me noyer, et je ne ressentais rien ! Puis le liquide fut aspiré avec tout un monde coloré et grouillant. Je retrouvais ma voix mais pas la parole.
 
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Le docteur D. m'annonça alors : « Vous n'avez pas de cancer, vous avez une bonne pneumonie
 
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et on vient de vous « laver » , « nettoyer » un lobe de poumon. Il faudra vous faire vacciner ...»
 
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Cinquante ans, je testerai l'opération des hernies en micro-chirurgie à l'hôpital de Bully les Mines.Rentré le lundi, j'en  ressortis le vendredi avec 3 points de suture et une feuille de plastique dans le ventre.
 
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Vous comprenez qu'entendre dire par la petite vieille du coin :
 
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« Demandez à votre docteur les pillules Machin, elles sont meilleures que les Truc pour les varices »me laisse une envie de lui marcher sur les pieds pour l'entendre crier !!!
 
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Si vous me demandez des nouvelles de ma santé, je vous dirais : «  18 de tension, je m'inquiéterai quand elle fera zéro ! »
 
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'''BONNE SANTE... BONNE ANNEE...'''
 

Version actuelle en date du 25 juillet 2013 à 16:06

À suivre