L'histoire par le trou de la serrure

De Wikicitoyenlievin.

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1952 : Arrivée de la télévision à Liévin
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Fin juin 1952, nous étions allés passer quelques jours chez Jean V. un cousin  de ma mère à Tourcoing. Personnage inoubliable, haut en couleur. Venant de quitter la rue Papin pour la rue Du Colonel Renard, j’étais davantage habitué aux casquettes et aux bleus de travail qu’au costume cravate et chapeau qu’il portait pour son travail dans une banque. De sa jeunesse d’apprenti boxeur, il avait gardé une oreille en chou fleur. Et de son passage dans la résistance, il rayonnait une joie de vivre que rien ne semblait pouvoir altérer. Il possédait un berger allemand qui avait décidé, à la grande joie de son épouse Denise, de passer ses nuits sur la table de  cuisine.
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Attention à la vaiselle  oubliée…Sa voiture était une Ford des années 1930, pour moi : l’auto de CHARLOT.
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Mais ce cousin, si original, avait aussi une télévision !
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Je crois que mes yeux sont restés bloqués sur cet objet sans pouvoir les en détourner.
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Imaginez un écran de 36 cm dans une énorme caisse avec des images qui bougent et qui parlent…comme au cinéma !
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Une séquence me revient à la mémoire comme un souvenir d’hier.
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Un homme saute à la perche 4m. Il s’agissait des championnat de France qui étaient retransmis de Paris. La prouesse technique n’était possible que depuis février 1952.
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( J’ai vérifié la véracité des faits sur internet ).
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Rentré à la maison, j’ai raconté tout cela  à mon père.
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Comme à son habitude, il n’avait rien dit, mais une idée avait germé dans son esprit.
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Il s’achèterait aussi une télé avec la prime à la naissance de mon frère…J’entends déjà vos commentaires. Non, nous ne manquions de rien. Mon père ne buvait pas, ne sortait pas, et ne fumait qu’un paquet de « Bleu » par semaine. Il voulait que son repos dominical, et la détente profitent à tous.
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Et voilà donc toute la famille qui prend le bus pour Lens et les Etablissements Lefebvre
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sur le Boulevard Basly , les seuls à vendre des télévisons.
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Quelques jours plus tard, des ouvriers installent le râteau sur le toit, et notre télé reçoit ses premières images (en 43 cm ).Nous sommes les deuxièmes de Liévin après le « café de l’Habitude » rue Montgolfier, les précurseurs. Nous étions sur la langue des gens,  les ragots allaient bon train, même dans la famille. Mon père s’en moquait. Mais, il a dû mettre dehors pas mal d’anciens amis qui se rappelaient à notre bon souvenir…Impossible de regarder « Trente six chandelles », l’émission phare, jusque minuit et de se lever à 4 heures pour le poste du matin !
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Mais, il y avait aussi de bons moments.
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Un jour, ma mère avait invitait notre voisine à venir voir la télé.  Elles  tricotaient  en attendant leur mari. La soirée se passa calmement jusqu’au match de catch.
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Le « méchant Delaporte » a eu raison du tricot de notre voisine qui tirait inconsciemment sur ses « points » et lorsque mon père rentra, il trouva celle-ci au milieu d’un amas de fils entre mêlés, cassés, tortillés, et 2 aiguilles inutiles…
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Vive la télé…
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Le Père Noël du 24 décembre 1974.
Le Père Noël du 24 décembre 1974.

Version du 24 mars 2011 à 09:14

1952 : Arrivée de la télévision à Liévin


Fin juin 1952, nous étions allés passer quelques jours chez Jean V. un cousin de ma mère à Tourcoing. Personnage inoubliable, haut en couleur. Venant de quitter la rue Papin pour la rue Du Colonel Renard, j’étais davantage habitué aux casquettes et aux bleus de travail qu’au costume cravate et chapeau qu’il portait pour son travail dans une banque. De sa jeunesse d’apprenti boxeur, il avait gardé une oreille en chou fleur. Et de son passage dans la résistance, il rayonnait une joie de vivre que rien ne semblait pouvoir altérer. Il possédait un berger allemand qui avait décidé, à la grande joie de son épouse Denise, de passer ses nuits sur la table de cuisine. Attention à la vaiselle oubliée…Sa voiture était une Ford des années 1930, pour moi : l’auto de CHARLOT.

Mais ce cousin, si original, avait aussi une télévision !

Je crois que mes yeux sont restés bloqués sur cet objet sans pouvoir les en détourner. Imaginez un écran de 36 cm dans une énorme caisse avec des images qui bougent et qui parlent…comme au cinéma ! Une séquence me revient à la mémoire comme un souvenir d’hier. Un homme saute à la perche 4m. Il s’agissait des championnat de France qui étaient retransmis de Paris. La prouesse technique n’était possible que depuis février 1952. ( J’ai vérifié la véracité des faits sur internet ). Rentré à la maison, j’ai raconté tout cela à mon père. Comme à son habitude, il n’avait rien dit, mais une idée avait germé dans son esprit. Il s’achèterait aussi une télé avec la prime à la naissance de mon frère…J’entends déjà vos commentaires. Non, nous ne manquions de rien. Mon père ne buvait pas, ne sortait pas, et ne fumait qu’un paquet de « Bleu » par semaine. Il voulait que son repos dominical, et la détente profitent à tous.

Et voilà donc toute la famille qui prend le bus pour Lens et les Etablissements Lefebvre 

sur le Boulevard Basly , les seuls à vendre des télévisons. Quelques jours plus tard, des ouvriers installent le râteau sur le toit, et notre télé reçoit ses premières images (en 43 cm ).Nous sommes les deuxièmes de Liévin après le « café de l’Habitude » rue Montgolfier, les précurseurs. Nous étions sur la langue des gens, les ragots allaient bon train, même dans la famille. Mon père s’en moquait. Mais, il a dû mettre dehors pas mal d’anciens amis qui se rappelaient à notre bon souvenir…Impossible de regarder « Trente six chandelles », l’émission phare, jusque minuit et de se lever à 4 heures pour le poste du matin ! Mais, il y avait aussi de bons moments. Un jour, ma mère avait invitait notre voisine à venir voir la télé. Elles tricotaient en attendant leur mari. La soirée se passa calmement jusqu’au match de catch. Le « méchant Delaporte » a eu raison du tricot de notre voisine qui tirait inconsciemment sur ses « points » et lorsque mon père rentra, il trouva celle-ci au milieu d’un amas de fils entre mêlés, cassés, tortillés, et 2 aiguilles inutiles… Vive la télé…



Le Père Noël du 24 décembre 1974.

Bélisaire et Joséphine, l’oncle et la tante de mon épouse, nous avaient invité à faire réveillon chez eux rue Théophile Gautier. Leur maison sentait des odeurs de fête. Dans l’arrière cuisine sur une petite table, refroidissait une tarte, et sur la cuisinière les marmites lâchaient toutes les senteurs d’un repas qui s’annonçait excellent. Joséphine était bonne cuisinière et s’évertuait à toujours nous surprendre par des recettes dont elle était fière. Elle avait demandé à Bélisaire de nous préparer son apéritif préféré : un « alexandra », cocktail dont elle avait sa propre recette : cognac, crème de cacao et lait condensé… Bélisaire s’était exécuté et avait préparé les verres sur la table de la salle à manger. Seule Joséphine avait remarqué qu’il y avait une verre en trop. Pierre et Marie , nos enfants, racontaient l’émerveillement des décorations de Noël à la tante qui les écoutait avec un petit sourire aux coins des lèvres. Des coups à la porte arrêtent les conversations, et l’oncle ouvre la porte : LE PERE NOEL ! Des yeux se vont plus brillants, et notre invité surprise entre dans la salle manger. « - Etes-vous sages ? travaillez-vous bien à l’école ?… » Et toutes les questions de circonstances se suivent. Les cadeaux, la poupée, la voiture, les bonbons…Puis le moment des adieux. « -Père Noël prenez-vous l’apéro avec nous ? – Non, je ne peux pas, vous savez si je commence, je ne pourrai pas terminer ma distribution… Mais, après tout, puisque les petits sont gentils…je vais faire une exception… » Et voilà notre verre supplémentaire utilisé ! Bélisaire avait dit à Edmond, son voisin, de venir faire le Père Noël quand il aurait vu notre 2CV devant la maison. Puis, notre invité surprise nous souhaita un bon réveillon et repartit chez les siens… A 6h17, le vendredi 27 décembre 1974, Edmond KACZMAREK nous quittait avec 41 autres mineurs dans la catastrophe minière de Saint AME… Adieu Père Noël.


1954 printemps :La « quinzaine »


La douceur, le ciel bleu semé de quelques nuages avaient laissé entrevoir l’arrivée du printemps. J’avais donc pu jouer « dehors » , dans la rue, comme les autres enfants. Les 2 voitures qui passaient par jour ne pouvaient pas nous mettre en danger. Et le cheval tirant le chargement de bière n’était que l’occasion de nous faire une ballade gratuite jusqu’à l’entrée de la rue James Watt. ça sentait déjà les prochaines grandes vacances. Tout à coup, mon regard fut attiré par un bout de carton de couleur brique dans le caniveau… -Le carton qui permettait aux mineurs de toucher leur « quinzaine ». Je m’approche, le ramasse, l’ouvre : la fiche de paie, quelques billets de banque et la monnaie roulée dans un billet… Je cours porter ce petit pactole à ma mère. La fiche de paie portait l’inscription : Mohamed X…etc… Que faire ? Pour moi, la seule chose qui m’importait , était l’arrivée de Madame G. avec son chargement de livres. Elle portait à domicile, chaque semaine, les abonnements de chacun. Et moi, j’attendais Le Pèlerin…et surtout Pat’Apouf ! Et voilà justement sa mobylette, avec ses deux gros sacs et son cageot sur le porte bagage, qui débouche au coin de la rue Edison. Elle s’arrête devant notre maison, sort le « Nous Deux » et mon magazine de l’un de ses sacs et entre dans la cour. Ma mère est toujours à regarder sur la table de cuisine le petit trésor que j’ai rapporté. « -Regardez, Madame G. ce qu’Albert à trouvé ! » Un rapide coup d’œil de Madame G qui annonce : « - Je sais où il reste, car j’ai une cliente qui est sa voisine. C’est rue Lully dans la cité Magnesse… » Comment cet argent s’est –il retrouvé à 3 km de sa destination ? Madame G. annonce que sa tournée est pratiquement finie et qu’elle peut m’y conduire. Quelques minutes plus tard je la suis avec mon vélo. Le faux plat de la rue Montgolfier a vite raison de mon ardeur à vouloir suivre la mobylette. Elle ralentit et m’attend. Le pont Planard au dessus des voix de chemin fer , puis la cité et ses rues de terre, de cailloux, de flaques. Rue Lully nous posons nos véhicules et frappons à la porte. Une dame nous ouvre, les larmes dans les yeux et demande dans un français hésitant le sujet de notre venue. Madame G dit : «  - On peut rentrer, le petit à quelque chose pour vous ? »La dame s’efface et nous pénétrons dans la cuisine. Mohamed X est là, assis à côté de son poêle, le pied sur le bac à charbon, la tête appuyée sur sa main, le regard vague… Je sors alors de la poche intérieure de mon blouson, la paie que j’avais tâtée tout au long de la route pour être sûr de ne pas la perdre. Deux cris… Deux regards fous… Deux joies incontrôlables… Deux têtes d’enfants qui passent par l’entrebâillement de la porte de salon… Deux étreintes…qui m’empêchent de respirer… Deux minutes de vrai bonheur… Pour la première fois de ma vie j’ai goûté au thé à la menthe…et aux pâtisseries aux goûts d’ailleurs… Je n’ai jamais revu cette famille. 10 ans plus tard, rue Henri Martin, dans un petit chalet au fond du jardin, Madame G. deviendra locataire de ma mère jusqu’à sa mort et celle de son époux.



== juin 1952 9 ans et « faire briquet avec s’in père » ==

!

16h30 un samedi de juin 1952… La cloche de l’école du 3 de Lens vient de sonner et toutes les classes sortent. Il n’y a pas d’étude le samedi. Des groupes se répartissent le terre-plein devant le portail et les parties de billes peuvent commencer. Les « paquets » explosés rapportent des poches de billes aux gagnants. 10 mn, 1 quart d’heure plus tard, résistent un ou deux groupes…Puis c’est le départ triomphal des derniers gagnants. La place se vide…et j’attendais ce moment. Je m’approche de la petite porte en fer à droite de l’entrée de la fosse Saint Amé. Je la pousse et pénètre dans la cour étrangement vide et silencieuse. A droite la grande salle où sont payées les « quinzaines », à gauche la grosse meule et le poste de garde. Sa porte et ouverte et seul un garde des mines relit des notes. D’un coup de tête, il me fait signe d’approcher. Je lui explique me mon père est lampiste et qu’il a oublié son repas que je lui apporte. D’un autre cou de tête, sans un mot, il me fait signe que je peux y aller. Je traverse alors la grande cour si animée à mes autres visites, et pour cause, les jours de paie. Entre le chevalet en fer et celui en béton, l’entrée de la fosse. Une lourde porte en fer que je peine à ouvrir. Des portes ouvertes des lavabos s’échappent encore des relents d’humidité. Le calme, l’ombre, des bruits profonds qui viennent d’on ne sait où. Mon père est là derrière son mur grillagé. Il m’ouvre la porte et me voilà au milieu de centaines de lampes de mineurs. Les lampes électriques à barrette, et beaucoup moins nombreuses, l’étagère des lampes à benzine. Mon père me montre comment ouvrir une de ces lampes en l’approchant d’un puissant électro-aimant dissimulé sous le guichet. Il devient alors possible d’en faire tourner la tête et de l’ouvrir. Il était occupé à cette tâche à mon arrivée afin faire le plein de liquide, ou de remettre une pierre à briquet pour l’allumage. Tout à coup, la lourde porte d’entrée émet un bruit et un pas se fait entendre. Mon père me pousse dans un placard et referme la porte. Je l’entends parler à son interlocuteur, mais le dialogue et étouffé et incompréhensible pour mes oreilles de gamins de 9 ans. Puis le silence revient, et mon père me libère : c’était le chef-porion qui avait besoin d’un renseignement. Nous nous installons alors tout les deux auprès d’un lourd établi et sur son conseil je commence à astiquer une lampe qui brillait déjà avant mon travail, mais va savoir ! Je faisais briller les cuivres de la lampe de l’ingénieur… Puis mon père a ouvert sa musette et a sorti son casse croûte : tartines au saindoux et « boutelot » de café allongé à l’eau… Ce n’était pas vraiment du pain d’alouette car il n’était pas descendu au fond, mais c’était un régal qu’il m’arrive encore de perpétuer les soirs de fringale. L’ingénieur n’a jamais su qu’un enfant de 9 ans avait fait briller sa lampe et fait briquet avec s’in père dans la fosse Saint d’Amé du 3 de lens. Que de souvenirs…




Noël 1952

C’est mon Noël. En 1950 j’avais eu un train électrique avec trois wagons qui déraillaient sans arrêt. Je n’avais pas le droit d’y toucher, car il y avait de l’électricité. En 1951, j’ai eu un vélo, un bâtard, pas à trois roues, ni un vélo d’adulte, entre les deux. Un nombre de blessures à bloquer les urgences ! Mais depuis plusieurs années, je demandais à ma maman, un « petit » frère ! Sans réponse. Et voilà qu’arrive 1952. Mai, juin on me laisse entendre que, peut être, si « je suis sage », j’aurai un petit frère. Pas question, je le veux pour Noël ! On m’explique que le Père Noël peut avoir du retard, ou de l’avance… Les visites que nous avions faites à (Marie P…) la sage femme nous avaient laissés sur notre faim. Bref, on me maintenait dans l’espoir d’avoir un petit frère ( ? )mais à une date…imprévisible.

Décembre, nuageux, neigeux, froid

Décembre arrive et la famille décide de me mettre en « vacances » chez ma grand- mère, rue Jules Guesde. 25 Décembre 1952 Ma grand-mère était partie tôt le matin avant mon réveil. 9 heures, mon grand-père et moi rejoignons les pieds dans la neige la rue du Colonel Renard. Effervescence devant notre numéro deux…. « Les mères chrétiennes occupaient la place. » On me demande de dire bonjour, puis, on me laisse monter dans la chambre côté ouest. Arrivé, à l’étage, je vois ma mère alitée un peu rouge avec M.P., la sage femme, et un petit lit… …Mille milliards, comment exprimer la réalisation d’un désir aussi fou ? Ce petit frère…le jour de Noël… ( prévu pour le 25 janvier !) Le loto d’aujourd’hui, même super, ne peut pas exprimer la bouffée de joie qui m’envahit ! Non, je rêve, on me trompe, on me met un train inutilisable, un vélo trop grand… Et si c’était une fille…une sœur ? Ma retenue, mon retrait, intrigue la sage femme et ma mère qui me demande ; «  Qu’est-ce que tu as, tu l’as ton petit frère. » « - Je veux voir si c’est un frère !!!!!!! » Marie P. déshabillera le nouveau-né pour me convaincre… Je l’ai alors serré si fort dans mes bras qu’il a fallu me faire lâcher prise. Mon frère s’appelle Noël.

À suivre