1977 La soirée extraordinaire

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Version actuelle en date du 1 avril 2015 à 17:38

                                      '1977 La soirée extraordinaire.'



Nous avions coutume, avec mon épouse, de passer dire un petit bonsoir à la tante Elisabeth L.

Elle avait tenu un café aux « Marionnettes » rue de Cracovie : « Le Rendez-Vous des Chasseurs » ( et quels chasseurs !)

Mais elle tenait maintenant la guinguette de Vimy, rue Sadi Carnot.

En cet fin d’après midi , nous constations qu’elle avait un problème.

Depuis plusieurs années elle avait comme pensionnaire Martin K.. Il avait appris le matin le décès de sa sœur.

Tante Elisabeth, occupée par des ouvriers qui faisaient de menus travaux, ne pouvait pas conduire Martin revoir sa sœur avant la mise en bière.

Elle me demanda donc si je ne pouvais pas la remplacer.

Et nous voilà parti, Martin et moi, pour la cité du Tonkin à Meurchin.


                                              Fichier:tonkin.jpg  cité du Tonkin


Ce service ne me plaisait pas beaucoup, n’ayant jamais vu de mort à ce jour… Mais…

Une femme blonde en pull blanc et jeans, aussi moulant l’un que l’autre, nous ouvrit et accueillit.

C’était une nièce de Martin, une fille de la morte. Après l’accolade sur le pas de la porte, nous entrâmes.

Dans la salle de séjour, la morte était allongée sur le divan, en chemise de nuit , pantoufles aux pieds, un mouchoir sur le visage, un chapelet entre les mains jointes…

Martin se mit à genou, enleva le mouchoir et embrassa sa sœur avec tout l’enthousiasme de ceux qui ont vécu durement dans la cité des Garennes à Liévin et que la mort ne

semble pas pouvoir séparer.

Plusieurs minutes d’émotion et de larmes.

Puis chacun s’assit autour de la table de la salle à manger et la nièce nous versa un verre qui viendrait compléter la vaisselle déjà sale.

3 ou 4 litres de vin vides, et une dizaine de canettes tenaient compagnie à quelques petites assiettes qui avaient dû contenir des biscuits.

Martin demanda les nouvelles de circonstances : comment, quand, a-t-elle souffert ?

Puis vinrent les questions plus inattendues : depuis quand es-tu sortie de prison ?

(Elle avait tué son mari d’un coup de couteau, un soir où il la battait comme à son habitude….)

Mère de huit enfants, elle avait « tout » pour ne pas le faire savoir : taille, allure, silhouette.

Puis des coups à la porte annoncèrent de nouvelles visites.

La morte ayant de nombreux enfants, petits enfants et arrières petits enfants, nous nous retrouvâmes bientôt une bonne vingtaine, voire trente.

La bière et le vin accueillaient à chaque fois les arrivants.

Martin retrouvait ainsi, des frères, des sœurs, des neveux et des nièces perdus de vue.


                                    Fichier:Martin.jpg    Martin à gauche


Il arrosait d’un verre de rouge chaque souvenir.

Les tout-petits avaient pris place à côté de « mamie » sur le canapé. Ils comptaient les perles du chapelet, lui faisaient des baisers, lui caressaient les mains.

Elle n’était plus morte, elle dormait au milieu de sa famille.

Puis la mémoire polonaise reprenant le dessus, Martin se risqua à fredonner faiblement une chanson de leur jeunesse.

Ecouté avec émotion, il arracha des uns et des autres quelques mots de leur chanson.

Puis, le murmure pris de l’assurance, et les chansons de leur folklore bercèrent « la Mamie endormie ».

De la jeunesse on passa tout naturellement à l’adolescence, aux bals, aux chansons qui font l’âme polonaise.

Martin, debout, retrouvant sa jeunesse, emmena sa nièce dans quelques pas de danse dans les accents des chants slaves.

Seuls les petits enfants « s’occupaient » encore de leur Mamie.

Les adultes, sautant d’une d’anecdote à l’autre, d’un souvenir à un problème du lendemain, enfumaient tant la pièce

que l’ambiance devenait londonienne par jour de brouillard.

Il fallait maintenant se quitter et rentrer à Vimy…

Puis, ayant déposé Martin qui avait déjà commencé sa nuit durant le retour, avec mon épouse et les enfants, nous rentrâmes à Liévin en passant par le monument canadien.

Dans les phares de la 2 CV galopaient des dizaines de lapins…mais nul « képis » ouf !!!

Seul, le cinéaste espagnol Luis Bunel aurait pu imaginer et réaliser le film de cette soirée.

Paix éternelle à Mamie…

À suivre