1946.10.08 Les étoiles filantes

De Wikicitoyenlievin.

Ce soir là, nous avions soupé chez tante Marie rue de l’Abregain.

Elle nous avait fait un pâté d’un de ses lapins qu’elle élevait dans sa cour.

Après le repas, les adultes avaient joué à la manille en tapant du poing sur la table comme à leur habitude. Avec mon cousin, nous avions lu le dictionnaire.

La page que je préférais était celle avec les images de scaphandriers. Je la vois encore.

Puis, la « belle des belles » terminée et ses derniers éclats de voix, il fallut se décider à rentrer. Après la lumière crue du « monte et baisse » de la lampe de la cuisine

qui dessinait son rond de lumière sur les cartes éparpillées, le coron sembla encore plus sombre, à peine éclairé de misérables ampoules.

Mon père se mit à marcher contre les maisons en évitant les marches qui annonçaient chaque porte.

Ma mère lui donnait le bras et avançait prudemment sur le bord du trottoir de briques . Je lui donnais la main, pas très rassuré....

L’heure de l’extinction des feux arriva et nous plongea dans le noir sous les frondaisons déjà clairsemés des acacias juste devant la "colonie italienne"


Fichier:Rue de l'Abregain.jpg

                                            Fichier:colonie_italienne.jpgcolonie italienne


Passé le coin de la rue de la Convention et le pont à côté de la rue Papin, nous longions maintenant le long mur de la fosse Saint Amé.

Une ou deux chauves souris passèrent sans bruit au dessus de nos têtes.

Arrivés devant le café de « Marie grande Gueule », commença alors un spectacle unique, grandiose…inquiétant. Le ciel se mit à crépiter et des points lumineux apparurent au

dessus de nos têtes, de plus en plus nombreux, de plus en plus lumineux. Des étoiles filantes tombaient dans tous les sens, sans arrêt. Nous nous arrêtâmes un instant. Mon

père semblait se demander ce qu’il allait faire. N'allait-on pas revivre les jours terribles de la guerre ?... Etaient-ce bien des étoiles ?... Nous continuâmes à avancer ,

éclairés d'une pluie bruissante… Jusqu’au café de « l’Habitude » .

Puis le spectacle s'arrêta.


                                            Fichier:ciel.jpg



Le FIGARO du 7 octobre 2011 donne ce commentaire qui confirme mon récit...

"....En 1933 et en 1946, les astronomes enregistrèrent des pics à plus de 10 000 étoiles filantes par heure, soit presque 3 éclats par seconde !


Un observateur irlandais rapporta en 1933 qu'il avait l'impression «qu'il se mettait à neiger».

A posteriori, les spécialistes de la mécanique terrestre ont déterminé que ces deux pics historiques avaient été provoqués par le passage de notre planète dans le nuage de

poussière laissé par la comète en 1900...."



Arrivés au bout de notre jardin, tout s'était arrêté…

La nuit noire était retombée, calme et paisible. Mille vœux n’auraient pas suffi. Combien de personnes ont vu cette pluie,

cette avalanche d’étoiles filantes ?

INOUBLIABLE...

Voilà une lettre que j'ai reçu sur internet.


"Cher Monsieur,

J'ai éprouvé une forte émotion en tombant sur votre description d'une exceptionnelle PLUIE D'ETOILES que vous avez observée en 1947.

J'ai aussi fait une observation analogue à celle que vous décrivez, peut ètre la même, puisque c'était également en 1947, j'avais 12 ans.

J'habitais à Nantes (44) en plein centre ville, un petit appartement mansardé au 4e étage.

Mon père, photographe, profitait de la nuit noire pour manipuler des bobines de film de cinéma vierges qu'il rechargeait dans des cartouches de 35 mm.

En cette période d'après guerre il y avait pénurie de matériel photo et il se débrouillait avec ce qu'il pouvait trouver pour exercer son métier.

La fenêtre etait ouverte et les lumières de la ville étaient trop rares pour voiler les films. Il était plus de minuit.

A un moment donné il hurle littéralement en apercevant des lueurs qui pouvaient altérer les films. Et il crie "Jeannot Jeannot, lève-toi vite et viens voir!

Alors NOUS AVONS VU. le ciel était constellé d'étoiles filantes. On pouvait en voir des dizaines EN MEME TEMPS, pas une ou deux de temps en temps,

mais simultanément. Certaines beaucoup plus grosses et les autres, de la taille habituelle de celles qu'on observe en temps normal.

Notre champ de vision était restreint car notre fenêtre donnait sur l'Est.Nous pouvions voir vers le Nord, l'Est et jusqu'au Sud-Est, et presque au Zenith.

Nous avons remerqué que leurs trajectoires étaient toutes parallèles. Nord Sud.Et les plus basses presque horizontales.


C'était féérique et terrifiant à la fois. Une sensation de fin du monde.

Nous sommes restés peut ètre une demi-heure devant ce spectacle, mais comme il y avait école le lendemain, il a bien fallu retourner au lit.

J'en ai parlé à mes camarades de classe, mais personne n'avait rien vu, ils dormaient! Ils n'ont même pas voulu me croire.

Je garde ce souvenir intact tellement cela m'avait impressionné.

Plus tard j'en ai aussi parlé à des gens férus d'astronomie, mais ils ne connaissaient pas l'évènement. Alors je n'en ai plus fait écho qu'à des amis.

Beaucoup plus tard, quand on a commencé d'annoncer à la télé des nuits de "pluies d'étoiles", j'ai regardé et j'ai été bien déçu car je croyais revoir 1947.

Si d'autres personnes ont été témoins de cet évenement, j'aimerais bien communiquer, mais vite, je vais avoir 80 ans !"

                Jean.Samacovlides - 28 septembre 2015
À suivre