L'histoire par le trou de la serrure

De Wikicitoyenlievin.

Noël 1952

C’est mon Noël. En 1950 j’avais eu un train électrique avec trois wagons qui déraillaient sans arrêt. Je n’avais pas le droit d’y toucher, car il y avait de l’électricité. En 1951, j’ai eu un vélo, un bâtard, pas à trois roues, ni un vélo d’adulte, entre les deux. Un nombre de blessures à bloquer les urgences ! Mais depuis plusieurs années, je demandais à ma maman, un « petit » frère ! Sans réponse. Et voilà qu’arrive 1952. Mai, juin on me laisse entendre que, peut être, si « je suis sage », j’aurai un petit frère. Pas question, je le veux pour Noël ! On m’explique que le Père Noël peut avoir du retard, ou de l’avance… Les visites que nous avions faites à (Marie P…) la sage femme nous avaient laissés sur notre faim. Bref, on me maintenait dans l’espoir d’avoir un petit frère ( ? )mais à une date…imprévisible.

Décembre, nuageux, neigeux, froid

Décembre arrive et la famille décide de me mettre en « vacances » chez ma grand- mère, rue Jules Guesde. 25 Décembre 1952 Ma grand-mère était partie tôt le matin avant mon réveil. 9 heures, mon grand-père et moi rejoignons les pieds dans la neige la rue du Colonel Renard. Effervescence devant notre numéro deux…. « Les mères chrétiennes occupaient la place. » On me demande de dire bonjour, puis, on me laisse monter dans la chambre côté ouest. Arrivé, à l’étage, je vois ma mère alitée un peu rouge avec M.P., la sage femme, et un petit lit… …Mille milliards, comment exprimer la réalisation d’un désir aussi fou ? Ce petit frère…le jour de Noël… ( prévu pour le 25 janvier !) Le loto d’aujourd’hui, même super, ne peut pas exprimer la bouffée de joie qui m’envahit ! Non, je rêve, on me trompe, on me met un train inutilisable, un vélo trop grand… Et si c’était une fille…une sœur ? Ma retenue, mon retrait, intrigue la sage femme et ma mère qui me demande ; «  Qu’est-ce que tu as, tu l’as ton petit frère. » « - Je veux voir si c’est un frère !!!!!!! » Marie P. déshabillera le nouveau-né pour me convaincre… Je l’ai alors serré si fort dans mes bras qu’il a fallu me faire lâcher prise. Mon frère s’appelle Noël.


== juin 1952 9 ans et « faire briquet avec s’in père » ==

!

16h30 un samedi de juin 1952… La cloche de l’école du 3 de Lens vient de sonner et toutes les classes sortent. Il n’y a pas d’étude le samedi. Des groupes se répartissent le terre-plein devant le portail et les parties de billes peuvent commencer. Les « paquets » explosés rapportent des poches de billes aux gagnants. 10 mn, 1 quart d’heure plus tard, résistent un ou deux groupes…Puis c’est le départ triomphal des derniers gagnants. La place se vide…et j’attendais ce moment. Je m’approche de la petite porte en fer à droite de l’entrée de la fosse Saint Amé. Je la pousse et pénètre dans la cour étrangement vide et silencieuse. A droite la grande salle où sont payées les « quinzaines », à gauche la grosse meule et le poste de garde. Sa porte et ouverte et seul un garde des mines relit des notes. D’un coup de tête, il me fait signe d’approcher. Je lui explique me mon père est lampiste et qu’il a oublié son repas que je lui apporte. D’un autre cou de tête, sans un mot, il me fait signe que je peux y aller. Je traverse alors la grande cour si animée à mes autres visites, et pour cause, les jours de paie. Entre le chevalet en fer et celui en béton, l’entrée de la fosse. Une lourde porte en fer que je peine à ouvrir. Des portes ouvertes des lavabos s’échappent encore des relents d’humidité. Le calme, l’ombre, des bruits profonds qui viennent d’on ne sait où. Mon père est là derrière son mur grillagé. Il m’ouvre la porte et me voilà au milieu de centaines de lampes de mineurs. Les lampes électriques à barrette, et beaucoup moins nombreuses, l’étagère des lampes à benzine. Mon père me montre comment ouvrir une de ces lampes en l’approchant d’un puissant électro-aimant dissimulé sous le guichet. Il devient alors possible d’en faire tourner la tête et de l’ouvrir. Il était occupé à cette tâche à mon arrivée afin faire le plein de liquide, ou de remettre une pierre à briquet pour l’allumage. Tout à coup, la lourde porte d’entrée émet un bruit et un pas se fait entendre. Mon père me pousse dans un placard et referme la porte. Je l’entends parler à son interlocuteur, mais le dialogue et étouffé et incompréhensible pour mes oreilles de gamins de 9 ans. Puis le silence revient, et mon père me libère : c’était le chef-porion qui avait besoin d’un renseignement. Nous nous installons alors tout les deux auprès d’un lourd établi et sur son conseil je commence à astiquer une lampe qui brillait déjà avant mon travail, mais va savoir ! Je faisais briller les cuivres de la lampe de l’ingénieur… Puis mon père a ouvert sa musette et a sorti son casse croûte : tartines au saindoux et « boutelot » de café allongé à l’eau… Ce n’était pas vraiment du pain d’alouette car il n’était pas descendu au fond, mais c’était un régal qu’il m’arrive encore de perpétuer les soirs de fringale. L’ingénieur n’a jamais su qu’un enfant de 9 ans avait fait briller sa lampe et fait briquet avec s’in père dans la fosse Saint d’Amé du 3 de lens. Que de souvenirs…

À suivre