L'histoire par le trou de la serrure 2

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Version du 27 décembre 2012 à 16:32

2012.11.13.Menin - La Palma


Midi, nous voilà à MENIN à la frontière belge devant le restaurant « La Palma » où nous avons déjà déjeuné des dizaines de fois. Surprise, l'officine est devenue un débit de tabac !!! Nous faisons le tour...pour voir, puis nous décidons d'aller dans l’échoppe de chaussures qui se trouve à l'arrière. Pourquoi pas.Et nous entamons le tour de la boutique.

Au coin , je m'écarte pour laisser une place à ma femme à mes côtés, et lui jette un regard pour voir...où plutôt pour ne rien voir.


Mes yeux se baissent et Mamie est à plat ventre...et Mamie s'enfonce, s'enfonce, s'enfonce.

Elle se débat, se débat, j'essaie de l'aider, je ne sais par quel bout la prendre.

Mamie est en train de « couler dans une coulée de béton ».

Les genoux, puis les poches de son jean disparaissent dans la masse collante. Son sac à main commence à disparaître. Mamie lutte pour se sortir de l'emprise mais chaque mouvement l'enfonce davantage. J'essaie de la tirer par un bras, son imper glisse et s'enfonce lui aussi. Puis après une minute de gesticulation dans tous les sens, Mamie parvient à mettre un genou sur le bord de cet enfer. La masse gluante ne lâche pas si aisément sa proie. Impossible de sortir le deuxième pied...trop lourd.Elle tire, je tire, elle retire, je retire...

Enfin, le deuxième pied sort de la gadoue.Elle se relève, hagarde, la bouche ouverte, à bout de souffle. Je la regarde...sans un mot, le cerveau niveau zéro. Mamie secoue une jambe, un demi seau de béton s'étale à ses pieds. Le deuxième pied, et voilà un seau tout frais. « -Mais, j'peux plus aller à Menin ! ...»

Je pars furieux à « La Palma » pour les avertir que les travaux ne sont pas signalés et que Mamie n'est plus présentable ! La langue française semble inconnue, et les commentaires en « néerlandais », langue officielle de ces chers cousins vont bon train. Après quelques dizaines de secondes , le patron se décide à faire une sortie.

« -Vous pouviez pas passer à côté ? »

Mamie, le regard toujours hagard n'a pas encore repris ses esprits.Le patron décide de mettre un cône pour signaler les travaux. Je refais le tour du bâtiment pour trouver le responsable de l'entreprise.Personne ne comprend la langue de Molière.

Enfin,5mn plus tard, le businessman de l'endroit propose à maman de se nettoyer dans ses WC...puis, de lui payer un nouveau pantalon dans l’échoppe de l'autre côté de la rue. La caissière de GEMO,(en France),aidée de sa vendeuse, me laisseront choisir un pantalon que Mamie enfilera dans les WC de « La Palma »puis de l'échanger par la suite. Maman fera donc sa toilette avec du papier hygiénique, sans aucune aide du marchand de cigarettes.(serviette, gant de toilette et savon semblent inconnus dans ce beau pays...) Puis les jambes de pantalon retroussées, pour ne pas le salir, les pieds dans des chaussures « bétonnées », nous traverserons la rue pour l'échange. Mamie ajoutera une paire de mi-bas et une paire de chaussures à 27 € ...

De retour à La Palma...catastrophe !

« - Je paie le pantalon mais pas les chaussettes et les chaussures... »

Palabre, incompréhension. Nous décidons de faire intervenir la police. 10 mn, 20 mn d'attente. Je photographie les lieux. Un ouvrier s'approche et me demande en français de ne pas photographier. «  Mais, vous parlez le français maintenant !!! » La police arrive enfin et un long dialogue en langue autochtone commence entre les deux représentants de la loi , le patron et "l' ouvrier devenu francophone" !

Nos explications semblent tout à fait superflues et non avenues.

« -Monsieur, je ne comprend pas ce que vous dites, ne pouvez-vous pas parler français ?

-Mais, nous sommes en flandres ici ! »

Re-palabre, puis le « chef policier » nous demande alors si « nous acceptons le montant de notre facture » de chez GEMO et que nous ne porterons pas plainte par la suite.

Re-re-palabre, enfin, facture de 47€50 réglait aux centimes...

Les travaux sont maintenant bien signalés, et les français peuvent maintenant y acheter leurs cigarettes.

Il y a surement des commerçants plus sympas en Belgique «  une fois, fieux ».

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2012 De nos jours

Le tracteur avance régulièrement soulevant avec sa herse un nuage de poussière que le mistral balaie sur des centaines de mètres. Fin...

Cela pourrait le début ou la fin de l'histoire vraie que je vais vous comter.

1992, je viens d'acheter un terrain pour y bâtir une maison pour ma retraite, au soleil, au chant des cigales et au ciel bleu toute l'année (où presque...). Ce jour là, j'aperçois, derrière une petite parcelle de vignes, un paysan sur son tracteur sortant parfois d'un nuage de poussière pour y replonger aussitôt. 1995, une mutation me rapproche et je revois ce même tracteur, cette même poussière. 1996, je rentre dans la maison que j'ai fait construire et je fais connaissance de mon voisin, le propriétaire de la vigne. Lors de nos discussions, il prend un plaisir évident à m'initier aux cultures locales : la vigne et les « pieds mères ». Il viendra lui même me planter deux pieds de raisin muscat qui ravive nos papilles à la fin de chaque été.

Je saluais régulièrement mes deux voisins. Celui du sud , le bavard, et ses muscats, et celui du nord et son tracteur poussiéreux. Ils habitent l'un et l'autre à trois cents mètres de chez moi.

Un matin où je discutais avec le « sudiste », mon voisin nordiste arriva sur son tracteur dans le petit chemin. Leurs regards ne se croisèrent pas et mon « bonjour » restera sans réponse jusqu'à ce jour. Ils devaient avoir un problème que je ne pouvais pas comprendre, j'étais « l'étranger ». Les années passèrent avec le manège habituel. Voulant nous insérer dans notre village, avec mon épouse,nous nous impliquâmes dans un jumelage qui venait de prendre forme avec un village italien. Dans l'autobus qui nous emmenait pour la première fois en Italie, je fis connaissance de villageois contents de nous faire participer à leur savoir sur notre village.

« -Ah, vous habitez à la fin du village , vous avez deux voisins... »

Naïvement je fis cette réflexion qui allait déclencher un éclat de rire général.

« -Je ne sais pas ce qui se passe, mais j'en ai un qui herse sans cesse son champ, et qui ne sème jamais rien... »

« -Eh, peuchère, chaque jour de mistral il emmerde son voisin.

-C'est le mistral qui le rend fou ?

-Eh, non, mais ça emmerde Jean Paul, car sa femme ne peut pas pendre son linge dans son jardin avec la poussière !

-Mais, il fait ça depuis combien de temps ?

-Oh, depuis les années 51, 52... »

Et voilà la réponse. Depuis 1951, chaque jour de mistral,mon voisin du nord herse son champ de trois hectares pour faire de la poussière ! Quelle peut être la cause d'une telle rancune ? Eh bien, en 1950, leurs parents ont procédé à des échanges de terre à l'occasion des remembrements, et mon voisin du nord a prétendu être perdant de trois cents mètres carrés. En 2006, quatre sociétés de géomètres viendront la même semaine se livrer à des mesures en tout genre. En 2009, le tribunal de Carpentras donnait raison à mon voisin du sud après trente ans de procédures.

Le tracteur avance régulièrement soulevant avec sa herse un nuage de poussière que le mistral balaie sur des centaines de mètres. Fin...




1949...La « RESISTANCE » dépose les armes...

La lapine et ses petits étaient régulièrement mis à mal par les belettes.

Mon père avait donc décidé de rechercher par où ces petites bêtes pouvaient entrer.Sachant que si la tête passait le reste suivait, il fallait rechercher un trou plus petit qu'un œuf de pigeon. Mon père me demanda un jeudi de sortir tout ce qu'il y avait dans la cabane des lapins. Celle-ci, comme dans toutes les maisons de la rue du Colonel Renard, se trouvait dans le fond de la cour au dessus de la remise où dormaient les poules. Monté sur une chaise, je commençai par enlever la gamelle d'eau puis celle qui servait chaque matin à leur donner des quignons de pain saupoudrés de « LAPINEX » , la poudre qui devait leur donner vigueur et santé... s'ils ne tombaient pas sur un brin de mouron rouge au milieu des liserons !!! Puis, avec un râteau je tirai toute la litière hors de la cabane. Le plus gros étant fait, avec l'aide de ma mère qui me poussa au derrière, je grimpai dans l'antre de l'horreur. Chaque jour, je frappais à la porte avant de l’ouvrir pour faire sauver les souris, et là, j'allais à leur rencontre.

Il fallait enlever la paille sur la gauche au dessus des WC « extérieurs » qui donnaient dans la cour. Je fermais les yeux et je frappais avec le râteau sur la paille. Je ne sais pas si une souris s'est échappée...La paille fût descendue et les toiles d'araignées enlevées.La cabane était propre. Il ne restait qu'une planche de coffrage qui "brandouillait" sur le mur mitoyen .Ma mère me dit : « tire un peu sur la planche, elle ne tient pas... »

Elle ne tient pas.Vite dit. Du haut de mes six ans, la chose se présentait différemment. A gauche, à droite...Je cherchai pour passer mes doigts en priant qu'il n'y eut pas de souris !

Puis, les clous rouillés qui maintenaient la planche avec beaucoup de bienveillance , lâchèrent ...le fusil ! Cette planche vermoulue cachait une arme. Je regardai ma mère qui me regardait.Elle ne savait quoi me dire.La peur nous étreignait. Puis, après quelques conseils : « tiens le par le manche », « ne touche pas la ferraille » Je lui tendis la chose assez lourde pour mon âge, et elle le réceptionna avec précaution . La discussion qui en suivit au retour de mon père du travail m'échappa. Mon grand-père fut désigné pour rapporter ce fusil à la gendarmerie de Liévin.

Qui a dit que j'étais trop jeune pour faire de la résistance ?



1984 septembre JUMELAGE''''

L'autocar ramenait les liévinois de Hohenlimburg après leur séjour dans les familles d'accueil. Comme d'habitude, ce trajet sur autoroute sans intérêt, laissait tout à chacun reprendre un peu de force après plusieurs repas à la cochonnaille et aux bières accompagnées de chnaps. C'est ce moment que ma femme choisit pour me dire :

 « -Demain, tu te débrouilleras tout seul pour ton repas de midi, je n'aurai pas le temps ce soir ! »

Ce à quoi, le couple dont nous avions fait connaissance et qui occupait la banquette à côté de la notre, répondit :

« -Il peut jeûner... »

Puis avec le plus grand sérieux :

« -Nous pouvons vous donner à dîner. Dans la cave de notre tour, mon mari a fait des étagères et elles sont remplies de boîtes de conserves. On peut tenir un an sans faire de courses... On est "permanents" aux « restos du cœur, et on a fait le plein !!! »

LES ENFOIRES, aurait dit son créateur.

Nous n'avons jamais revu ce couple.



1966.12.25 Noël

Mon cousin André nous avait invité à faire réveillon.

Dans La cité du 16 de Lens rue Saint Pierre, il avait aménagé au mieux son logement des mines. Ce fut la seule et unique fois où j'ai pu vivre avec lui un moment de « famille ».

Simple, gentil,aimable, serviable les mots manquent à le définir. Le tress aurait été pour lui un mot banni. Tout peut s'arranger...

Un VRAI MINEUR !!!

Pour ce soir, il avait voulu mettre les plats dans les grands car il avait sa «  tante »( ma mère) à dîner. Raymonde, son épouse n'avait pas compté son temps pour faire son repas, sa bûche de Noël.

Mais, ce jour là fut pour moi un évènement dans ma vie . Andrée avait prévu des huîtres en entrée !!!

A vingt trois ans,l'huître, ce mot de vocabulaire prenait vie sur une table.

Je le vois encore, au dessus de son évier, se battant avec « ces bêtes » qui résistaient. Après , une ou deux entailles dans la main gauche, les « bêtes » étaient ouvertes et nous attendaient... J'avoue que la première mis un temps certain ou si vous préférez un certain temps à être avalée...Les écailles involontaires d'un néophyte en ouverture d'huîtres excusèrent le croquant de la chose. Je mis beaucoup de bonne volonté pour faire croire à l'excellence de la chose ( j'ai honte).

Puis, la soirée passant, nous pûmes nous distraire avec les récits « homériques » et sans fin de Raymonde. Puis quelques pas de danse finirent la nuit.

Cette première approche, plutôt difficile, n'a fait que développer mon goût pour ces »bêtes » qui arrivent sur ma table plusieurs fois par an, surtout après les fêtes...(les prix dégringoles) .


Et là, je vous conseille l'huître gratinée , fondue dans un beurre d'échalotte au vin d' Alsace... S'il n'y pas plus la fraîcheur, il reste le goût !


Encore merci André.( 1933-1968...35 ans , ou la vie d'un mineur... )



1976.04.10 Boubou

Boubou pourrait faire la soirée. Lorsque j'en parle, ma femme dit : « ne l'écoutez pas, il ne va pas en finir ! » C'est vrai que j'ai avec Boubou un sujet plein de rebondissements. L'histoire commence un samedi avec le marché de Carvin. Ma femme quittant son travail traverse donc le marché pour reprendre sa voiture quand elle tombe sur un étal où est vendu un petit bouc de six semaines... Quelle idée lui passe par la tête ? Elle achète le petit bouc …

Rentrant à la maison, avec un grand sourire et ma mère derrière aussi réjouie, elle me souhaite une bonne fête de St Albert ( en retard de 8 jours) et m'offre un grand carton qui sans tardé lance un « Béééééé » qui supprime toute surprise. Boubou venait de faire son entrée dans la famille.

Il faudra vite lui construire un enclos dans le fond du garage et profitera de l'implantation de « Carrefour » pour brouter les berges de la voix pénétrante de Liévin. Les week end, il utilisera l'arrière de ma 2CV pour aller pâturer rue Dernoncourt (Fabre d’Églantine). Dans cette nouvelle maison que je construis durant mes temps libres, il occupera la salle de bain pour la nuit. Puis arrivera l'automne et « l'appel de la nature ». Son odeur dénonce sans erreur où il habite du haut de la rue Théophile Gautier à deux cents mètres. Cela lui vaudra d'avoir la visite de gentilles petites chèvres. L'une d'elles est à mettre de côté.

Imaginez la petite chèvre blanche de Monsieur SEGUIN. Mignonne, frêle, elle était la possession d'un jeune couple de la rue WILLEMAIN. Je ne sais pourquoi ils avaient décidé de la présenter à Boubou le lendemain de leur mariage. Ce dimanche matin donc, le couple arrive avec le père de la mariée...Elle, en robe blanche de son mariage, l'époux en costume nœud papillon !!! Ils sortent la chevrette du coffre et la conduisent dans le garage près du box du bouc. Sa tête se lève, il hume l'air et commence un frémissement de sa babine supérieure. Il avait senti la belle. Je le sors de l'enclos, le laisse s'approcher et aussi vite saute sur la pauvrette qui s’étale les quatre pattes en croix. Un deuxième essai donne le même résultat : la petite ne supporte pas le poids de mon Roméo. Je suggère que quelqu'un la maintienne pendant que je « canalise » le barbu. Le marié prend la chevrette entre ses deux jambes et la supporte sous le ventre. Mon Boubou toujours aussi amoureux ressaute sur la belle qui reste debout mais donne un coup de patte qui fait reculer le beau qui « ensemence » la jambe droite du superbe costume...STUPEUR du marié, mais rien n'est conclu. Il faut recommencer l'approche et en moins de trois secondes l'affaire est dans le sac. La belle a enfin été honorée dans les règles de l'art. Quatre assauts en deux minutes.

Cela vaudra cette réflexion qui raisonne encore dans mes oreilles de la part du beau père à son gendre : « PRIN D'EL GRAINE MIN TCHO » sous les joues rougissantes de la mariée.




1985.03.10 Soirée d élections

La salle des fêtes de la mairie brillait de ces soirs d'élections où tous peuvent encore y croire. La grande porte laissée ouverte donnait un peu de fraîcheur et la fumée des cigarettes, sous les lustres, s'étalait dans un nuage mouvant au gré des courants d'air. Un brouhaha de circonstance faisait penser à l'entrée d'une ruche par un beau jour d'été. Tous attendaient les résultats qui arrivaient émiettés de bureaux en bureaux. Entouré de mes amis, la conversation était ponctuée de « si » ! Et si j'étais élu, et si j'étais battu, et s' il y avait un ballottage...et si...et si... 19h15, l'heure du verdict approchait.

Jean Claude D. un ami des premiers jours, vint de dire à l'oreille : « le candidat du FN est à la porte avec sa femme »...Personne de le connaissait et ne l'avait vu.Son tract de campagne indiquait seulement qu'il était « mineur ».Reculant discrètement tout en discutant, je me rapprochais de la sortie. Ils étaient là, appuyés contre la porte... seuls.

La vue de cet homme déboussolé et de sa femme accrochée à son bras sera sans doute, pour moi, un moment de réflexion. Jusqu'où peut-on aller en politique ? Cet homme, que je pense brave et dont j'ai oublié le nom, était-il conscient de son engagement ?

Des applaudissement accueillent l'arrivée du Maire et des résultats qui seront conformes aux habitudes. Quelques poignées de mains compassionnels se veulent amicales et chacun regagne la sortie.

Sur les marches du perron, quelques sympathisants me saluent pendant que mon regard se retourne une nouvelle fois vers ce couple qui descend à grandes enjambées... Lui dans son costume trop grand, elle avec un manteau de fourrure s'accroche plus que jamais à son bras. Nos regards se croisent et me montrent la profondeur de leur angoisse, de leur peur...

J'ai ressenti pour eux le vide qui les entourait : seuls au milieu de tous ! C'est aussi ça la politique.



2011.11.01 La TOUSSAINT et la"Grande Guerre"

Quand nous remontons dans le nord ( au-dessus de Montélimar) , c’est l’hiver toute l’année et une langue incompréhensible.

Les repas chez les amis rendraient malade d’indigestion un centenaire. Cela étant dit, nous remontons trop peut à notre goût. Il faut des cas de force majeur : décès, mariage.


Mais nos retours passent obligatoirement par un détour à nos cimetières de Liévin sud et d ‘ Hersin- Coupigny.

Le nettoyage de nos tombes nous semble essentiel. Ce n’est qu’un juste moment de souvenir à nos proches.

Mais, il faut bien le dire, mon épouse ne peut aller en vacances ou en voyage sans visiter le cimetière du coin.

Elle pourra vous dire que les allemands mettent des petites bougies allumées… Que les italiens ont remplacé les bougies par des petites ampoules, qu’en Turquie l’on peut voir des tombes parsemées au milieu des champs et qu’aux USA les voitures sont les bienvenues …


Contagion oblige, cette dernière quinzaine, je n’ai donc pu échapper à ma visite du petit cimetière de Saint Gervais dans le Gard. En attente d’ un rendez-vous, la visite de ce petit coin de recueillement m’a semblé par ce matin d’automne provençal « un pur bonheur » ! Le calme, la sérénité des lieux, la reprise en main de la nature n’étaient que des étincelles de retour sur soi. L’odeur du buis mouillé et du romarin ne pouvaient échapper à notre odorat. Mais un détail me ramena à mille lieues.

Le monument aux morts de la grande guerre « n’avait que deux noms », deux de trop !

Mon esprit en un instant me ramena en 1917, le chemin des dames, Verdun, la boucherie, l’héroïsme de nos soldats…la mort de Richard CASTELAIN, le premier mari de ma grand mère. Mes tantes Marie et Julia qui avaient fait le voyage de Verdun pour se recueillir sur la tombe de leur père étaient tombées des nues lorsqu’elles découvrirent qu’ "on l’avait oublié" sur le mur du souvenir dans la mairie de Liévin. Après , démarches, certificat de décès, attestations et paperasserie , son nom fut rajouté à la liste.

Ne vous demandez plus pourquoi CASTELAIN Richard se trouve maintenant le dernier de liste , tout en bas , à droite en bas des escaliers de la mairie. Peu importe l’ordre alphabétique, il ne faisait pas bon y être en ces jours là.






1962- 1993 – 2002

Les jours noirs que l’on ne peut oublier

1962

Tous les quinze jours, mon parrain venait de Châtou dans la région parisienne avec sa 2 CV bleue. Il supervisait et aidait à la construction de la maison de ma maman . Un samedi soir , après avoir travaillé toute la journée à la pose de l’installation électrique, nous décidâmes d’aller prendre un verre « Au Cendrier », un café de la place Gambetta.

C’était pour moi l’occasion de rencontrer une famille que j’avais vue à la rentrée des classes. Les propriétaires allaient de table en table dans une épaisse fumée en adressant un mot à chacun dans un immense brouhaha. La salle était pleine et nous avions pu avoir une table près du comptoir.

Madame V. me salua et me demanda un rapide « comment travaillent mes garçons ? » J’avais ses deux petits hommes en classe…

Mon cousin avait connu ce café et lui rappelait sa jeunesse. Mais les temps avaient changé et la clientèle avec. La majorité des consommateurs était algérienne. Nous prîmes une bière puis nous rentrâmes.

Une semaine plus tard, le lundi matin, en arrivant à l’école, le surveillant m’annonça que le directeur désirait me voir avant la classe. Que pouvait-il avoir à me dire d’aussi urgent ?


Sa phrase résonne encore à mes oreilles : « M. et Mme V. ont été assassinés samedi soir, d’une rafale de mitraillette dans leur café ! » …

1993

Je traversai la cour à la rencontre de Madame X . Cette dame que je rencontrais régulièrement était joviale et consciente des difficultés de sa fille en classe. Arrivé près d’elle, son allure raide, son regard fixe me laissèrent perplexe. Aussitôt, elle demanda à sa maman qui l’accompagnait de conduire la petite aux toilettes.

Elle m’annonça aussitôt : « Mon mari s’est suicidé cette nuit, il s’est jeté dans sa machine à chicons ! Ma fille ne sait rien et va habiter quelques jours chez une amie. Je ne veux pas qu’on lui dise. »

2002

L’église, trop petite, laisse une foule émue se recueillir sur le parvis. A l’intérieur, au milieu du chœur repose un petit cercueil. Ma « petite, mon élève » s’est tuée en utilisant le scooter de sa grande sœur. En tête défile tous ces moments, ces rapports intenses entre le maître qui apprend à lire et ce petit « bout de chou ». Je la revoie à mes côtés annonant ses premiers mots, surprenant son regard curieux, ses allures de petite mère…


Je la revoie sur le film de la kermesse …

Que le métier est beau, mais combien laisse-t-il de plaies ?

À suivre