1974 La loco vagabonde
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Version du 1 juin 2020 à 14:59
1974 La loco vagabonde
Ce samedi, Nadine, la cousine de mon épouse, et son mari Frédo, nous avaient invités à souper.
Jeunes mariés, ils avaient tenu à nous montrer la maison que la SNCF réservée à ses employés.
Située au cœur de la cité des cheminots à Méricourt, elle offrait toutes les commodités pour débuter dans la vie de famille.
Frédo l'avait aménagée avec goût et simplicité.
Mais le cousin était surtout fier d'avoir réussi ses examens et d' être maintenant un conducteur de train.
Il transportait du fret dans toute la région nord.
Après le souper, avant le petit « dernier pour la route », il nous proposa de nous faire visiter son service.
Son beau père Paul fit parti de l'expédition. Quelques courtes minutes plus tard, nous entrions dans l'immense gare de triage et de maintenance du matériel.
Malgré les 23h30, Frédo salua quelques cheminots qui s'affairaient autour et au dessous de machines impressionnantes.
Un « oui » résonna dans ce vaste hangar pour lui confirmer qu'une locomotive électrique parquée le long d'un quai était en état et prête au service.
Nous grimpâmes dans ce monstre de ferraille pour découvrir qu'un moteur dans une cage grillagée occupait presque la totalité de l'espace
et que les « couloirs » de service sur ses côtés étaient plutôt exigus.
Il nous montra la cabine de pilotage avec son dispositif de « l'homme mort » qui arrête la locomotive dès qu'on lâche un volant double
et tout un tableau de bord énigmatique pour les profanes que nous étions.
Puis, il proposa de câbler notre engin au réseau électrique.
Nous regardâmes monter le pantographe qui se colla à la caténaire avec un claquement sec aussi inattendu que violent.
Puis il nous invita à monter dans une locomotive diesel.
A notre grande stupéfaction, il mit le moteur en marche, passa sa tête par la portière, donna un ordre, et un immense portail s'ouvrit devant nous.
La loco bougea lentement et s'approcha de l'extérieur d'un noir d'encre si ce n'était quelques lumières rouges qui jalonnaient les voies.
Nous étions maintenant à nous regarder tous les trois.
Frédo jubilait...Il nous emmenait...mais où ?
Quelques centaines de mètres plus loin, il ouvrit sa portière, sauta sur le remblai et courut devant les feux de la loco où nous le vîmes manœuvrer un aiguillage.
Il remonta dans la loco qui avançait au pas et qui reprit un peu de vitesse.
Plusieurs fois, il se livra à ce genre d'exercice au cœur d'une nuit noire au milieu d'une forêt que l'on devinait impalpable.
Nous faisions un voyage imprévu dans une locomotive inconnue sur une voie ferrée perdue...
Quelque dizaines de minutes plus tard, le hangar apparaîtra dans notre champ de vision et nous y entrîmes lentement, sagement,
pour nous arrêter pile à l'emplacement de notre départ.
De retour au pavillon de la cité, les femmes nous demandèrent ce que nous avions fait durant « tout ce temps » ?
« - On est allé faire un tour un train !!! »
Aucune n' a cru à cette réponse en cœur...