1948 "GRATTE PANCHE" nous quitte
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Le bruit des scies et les coups de marteaux rappelaient qu'on s'affairait. | Le bruit des scies et les coups de marteaux rappelaient qu'on s'affairait. |
Version actuelle en date du 11 août 2020 à 18:42
1948 « Gratte-Panche » nous quitte.
D'après un récit de ma grand-mère.
« Nous étions à la fin de juillet 1948.
Le printemps et ce début d'été avaient été médiocres : froid et pluie.
Mais, le soleil , enfin, avait fait son apparition et le thermomètre flirtait avec les 30 °.
Monsieur « Gratte-Panche » ( c'était son surnom), recherchait un peu de fraîcheur assis sur sa chaise sous un acacia au coin de sa « demi-lune ».
Ce type de maisons de tôles peintes au goudron noir formaient les dernières reliques des constructions de l'après guerre... celle de 1914.
Comme disait ma grand mère, on ne voyait que les pieds de sa chaise.
Avec ses cent kilos pour un mètre soixante, s'il ne respirait pas la grande forme, il transpirait à grosses gouttes.
Sa bouffarde au coin des lèvres était sensée calmer son emphysème.
Mais ces chaleurs de fin juillet eurent raison de sa santé.
Ma grand mère comme à son habitude aida la famille dans la peine en faisant la toilette du mort.
Elle n'avait cette fois qu à traverser la rue.
Les pompes funèbres vinrent prendre les mesures.
Ces simples mots remettent en mémoire ce jour, où allant au marché avec mon grand père, nous rendîmes visite au fabriquant de cercueils rue François COURTIN.
Malgré mes cinq ans, j'ai toujours ce souvenir de ces grandes caisses debout, appuyés contre un mur, le couvercle à leur côté.
Le plus choquant était pour moi de voir leur intérieur... Elles étaient vides !
Mais, revenons à la mise en bière.
Ma grand mère aida de son mieux à soulever « Gratte-Panche » et à le déposer dans sa dernière demeure.
Les funérailles étaient prévues pour le lendemain.
Dès le matin , la demi lune fut habillée de noir, un luxe quand on sait qu'elles étaient peintes de goudron.
Le corbillard tiré par un cheval arriva.
Il était temps de dire adieu au défunt et de fermer le cercueil.
Et là commença le supplice...
La chaleur avait gonflé notre mort et son ventre était près d'éclater.
Le couvercle ne fermait pas !
On essaya de sortir notre homme... mais pas de prise et beaucoup trop lourd.
On retourna la boîte pour faire tomber notre mort et enlever le fin coussin pour gagner quelques centimètres. Hélas !
Il restait collé sur le fond.
Il fallut se rendre à l'évidence : le cercueil n'était pas à la taille et il fallait le rehausser.
Notre fabriquant repartit à son atelier chercher planches et outils.
Durant ce contretemps, tout le monde cherchait un peu d'ombre en attendant la fin des travaux.
Le café juste à côté faisait son plein de clients heureux de ce contretemps inespéré.
Le bruit des scies et les coups de marteaux rappelaient qu'on s'affairait.
Avec plusieurs heures de retard le convoi funèbre civil put s'ébranler.
Comme disait ma grand mère : « C'était bienfait , il n'avait qu'à aller à l'église... »