L'histoire par le trou de la serrure 2

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'''1976.04.10  Boubou'''
 
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Boubou pourrait faire la soirée.
 
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Lorsque j'en parle, ma femme dit : « ne l'écoutez pas, il ne va pas en finir ! »
 
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C'est vrai que j'ai avec Boubou un sujet plein de rebondissements.
 
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L'histoire commence un samedi avec le marché de Carvin.
 
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Ma femme quittant son travail traverse donc le marché pour reprendre sa voiture quand elle tombe sur un étal où est vendu un petit bouc de six semaines...
 
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Quelle idée lui passe par la tête ? Elle achète le petit  bouc …
 
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Rentrant à la maison, avec un grand sourire et ma mère derrière aussi réjouie, elle me souhaite une bonne fête de St Albert ( en retard de 8 jours) et m'offre un grand carton qui sans tardé lance un « Béééééé » qui supprime toute surprise. Boubou venait de faire son entrée dans la famille.
 
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Il faudra vite lui construire un enclos dans le fond du garage et profitera de l'implantation de « Carrefour » pour brouter les berges de la voix pénétrante de Liévin. Les week end, il utilisera l'arrière de ma 2CV pour aller pâturer rue Dernoncourt (Fabre d’Églantine). Dans cette nouvelle maison que je construis durant mes temps libres, il occupera la salle de bain pour la nuit. Puis arrivera l'automne et « l'appel de la nature ». Son odeur  dénonce sans erreur où il habite du haut de la rue Théophile Gautier à deux cents mètres. Cela lui vaudra d'avoir la visite de gentilles petites chèvres. L'une d'elles est à mettre de côté.
 
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Imaginez la petite chèvre blanche de Monsieur SEGUIN.
 
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Mignonne, frêle, elle était la possession d'un jeune couple de la rue WILLEMAIN. Je ne sais pourquoi ils avaient décidé de la présenter à Boubou le lendemain de leur mariage. Ce dimanche matin donc, le couple arrive  avec le père de la mariée...'''Elle, en robe blanche de son mariage, l'époux en costume nœud papillon !!!''' Ils sortent la chevrette du coffre et la conduisent dans le garage près du box du bouc. Sa tête se lève, il hume l'air et commence un frémissement de sa babine supérieure.
 
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Il avait senti la belle. Je le sors de l'enclos, le laisse s'approcher et aussi vite saute sur la pauvrette qui s’étale les quatre pattes en croix.
 
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Un deuxième essai donne le même résultat : la petite ne supporte pas le poids de mon Roméo.
 
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Je suggère que quelqu'un la maintienne pendant que je « canalise » le barbu. Le marié prend la chevrette entre ses deux jambes et la supporte sous le ventre. Mon Boubou toujours aussi amoureux ressaute sur la belle qui reste debout mais donne un coup de patte qui fait reculer le beau qui « ensemence » la jambe droite du superbe costume...STUPEUR du marié, mais rien n'est conclu.
 
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Il faut recommencer l'approche et en moins de trois secondes l'affaire  est dans le sac. La belle a enfin été honorée dans les règles de l'art. Quatre assauts en deux minutes.
 
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Cela vaudra cette réflexion qui raisonne encore dans mes oreilles de la part du beau père à son gendre : « PRIN D'EL GRAINE MIN TCHO » sous les joues rougissantes de la mariée.
 
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== 1985.03.10 Soirée d élections ==
 
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La salle des fêtes de la mairie brillait de ces soirs d'élections où tous peuvent encore y croire. La grande porte laissée ouverte donnait un peu de fraîcheur et  la fumée des cigarettes, sous les lustres, s'étalait dans un nuage mouvant au gré des courants d'air. Un brouhaha de circonstance faisait penser à l'entrée d'une ruche par un beau jour d'été. Tous attendaient les résultats qui arrivaient émiettés de bureaux en bureaux.
 
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Entouré de mes amis, la conversation était ponctuée de « si » !
 
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Et si j'étais élu, et si j'étais battu, et s' il y avait un ballottage...et si...et si...
 
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19h15, l'heure du verdict approchait.
 
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Jean Claude D. un ami des premiers jours, vint de dire à l'oreille : « le candidat du FN est à la porte avec sa femme »...Personne de le connaissait et ne l'avait vu.Son tract de campagne indiquait seulement qu'il était « mineur ».Reculant discrètement tout en discutant, je me rapprochais de la sortie. Ils étaient là, appuyés contre la porte... seuls.
 
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La vue de cet homme déboussolé et de  sa femme accrochée à son bras sera sans doute, pour moi, un moment de réflexion. Jusqu'où peut-on aller en politique ?
 
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Cet homme, que je pense brave et dont j'ai oublié le nom, était-il conscient de son engagement ?
 
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Des applaudissement accueillent l'arrivée du Maire et des résultats qui seront conformes aux habitudes.
 
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Quelques poignées de mains compassionnels se veulent amicales et chacun regagne la sortie.
 
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Sur les marches du perron, quelques sympathisants me saluent pendant que mon regard se retourne une nouvelle fois vers ce couple qui descend à grandes enjambées... Lui dans son costume trop grand, elle avec un manteau de fourrure s'accroche plus que jamais à son bras. Nos regards se croisent et me montrent la profondeur de leur angoisse, de leur peur...
 
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J'ai ressenti pour eux le vide qui les entourait : seuls au milieu de tous !
 
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C'est aussi ça la politique.
 
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== '''2011.11.01 La TOUSSAINT  et la"Grande Guerre"''' ==
 
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Quand nous remontons dans le nord ( au-dessus de Montélimar) , c’est l’hiver toute l’année et une langue incompréhensible.
 
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Les repas chez les amis  rendraient malade d’indigestion un centenaire.  Cela étant dit, nous remontons trop peut à notre goût. Il faut des cas de force majeur : décès, mariage.
 
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Mais nos retours passent obligatoirement par un détour à nos cimetières de Liévin sud et d ‘ Hersin- Coupigny.
 
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Le nettoyage de nos tombes nous semble essentiel. Ce n’est qu’un juste moment  de souvenir à nos proches.
 
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Mais, il faut bien le dire, mon épouse ne peut aller en vacances ou en voyage sans visiter le cimetière du coin.
 
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Elle pourra vous dire que les allemands mettent des petites bougies allumées… Que les italiens ont remplacé les bougies par des petites ampoules, qu’en Turquie l’on peut voir des tombes parsemées au milieu des champs  et qu’aux USA les voitures sont les bienvenues …
 
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Contagion oblige, cette dernière quinzaine, je n’ai donc pu échapper à ma visite du petit cimetière de Saint Gervais dans le Gard.
 
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En attente d’ un rendez-vous, la visite de ce petit coin de recueillement m’a semblé par ce matin d’automne provençal « un pur bonheur » ! Le calme, la sérénité des lieux, la reprise en main de la nature n’étaient que des étincelles de retour  sur soi. L’odeur du buis mouillé et du romarin ne pouvaient échapper à notre odorat. Mais un détail me ramena à mille lieues.
 
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Le monument aux morts de la grande guerre « n’avait que deux noms », deux de trop !
 
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Mon esprit en un instant me ramena en 1917, le chemin des dames, Verdun, la boucherie, l’héroïsme de nos soldats…la mort de Richard CASTELAIN,
 
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le premier mari de ma grand mère. Mes tantes Marie et Julia qui avaient fait le voyage de Verdun pour se recueillir sur la tombe de leur père étaient tombées des nues lorsqu’elles découvrirent qu’ "on l’avait oublié" sur le mur du souvenir dans la mairie de Liévin. Après , démarches, certificat de décès, attestations et paperasserie , son nom fut rajouté à la liste.
 
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Ne vous demandez plus pourquoi CASTELAIN  Richard se trouve maintenant le dernier de liste , tout en bas , à droite en bas des escaliers de la mairie. Peu importe l’ordre alphabétique, il ne faisait pas bon y être en ces jours là.
 
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Avons-nous encore conscience de ce que NOUS LEUR DEVONS ?
 
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'''1962- 1993 – 2002 
 
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== Les jours noirs que l’on ne peut oublier''' ==
 
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'''1962'''
 
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Tous les quinze jours, mon parrain venait de Châtou dans la région parisienne avec sa 2 CV bleue. Il supervisait et aidait à la construction de la maison de ma maman .
 
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Un samedi soir , après avoir travaillé toute la journée à la pose de l’installation électrique, nous décidâmes d’aller prendre un verre « Au Cendrier », un café de la place Gambetta.
 
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C’était pour moi l’occasion de rencontrer une famille que j’avais vue à la rentrée des classes.
 
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Les propriétaires allaient de table en table dans une épaisse fumée en adressant un mot à chacun dans un immense brouhaha. La salle était pleine et nous avions pu avoir une table près du comptoir.
 
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Madame V. me salua et me demanda un rapide « comment travaillent mes garçons ? » J’avais ses deux petits hommes en classe…
 
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Mon cousin avait connu ce café et lui rappelait sa jeunesse. Mais les temps avaient changé et la clientèle avec. La majorité des consommateurs était algérienne. Nous prîmes une bière puis nous rentrâmes.
 
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Une semaine plus tard, le lundi matin, en arrivant à l’école, le surveillant m’annonça que le directeur désirait me voir avant la classe. Que pouvait-il avoir à me dire d’aussi urgent ?
 
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Sa phrase résonne encore à mes oreilles : « M. et Mme V. ont été assassinés samedi soir, d’une rafale de mitraillette dans leur café ! » …
 
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'''1993'''
 
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Je traversai la cour à la rencontre de Madame X .
 
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Cette dame que je rencontrais régulièrement était joviale et consciente des difficultés de sa fille en classe. Arrivé près d’elle, son allure raide, son regard fixe me laissèrent perplexe.
 
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Aussitôt, elle demanda à sa maman qui l’accompagnait de conduire la petite aux toilettes.
 
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Elle m’annonça aussitôt : « Mon mari s’est suicidé cette nuit, il s’est jeté dans sa machine à chicons ! Ma fille ne sait rien et va habiter quelques jours chez une amie. Je ne veux pas qu’on lui dise. »
 
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2002
 
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L’église, trop petite, laisse une foule émue se recueillir sur le parvis.
 
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A l’intérieur, au milieu du chœur repose un petit cercueil.
 
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Ma « petite, mon élève » s’est tuée en utilisant  le scooter de sa grande sœur.
 
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En tête défile tous ces moments, ces rapports intenses entre le maître qui apprend à lire et ce petit « bout de chou ».  Je la revoie à mes côtés annonant ses premiers mots, surprenant son regard curieux, ses allures de petite mère…
 
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Je la revoie sur le film de la kermesse …
 
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'''Que le métier est beau, mais combien laisse-t-il de plaies ?'''
 

Version actuelle en date du 25 juillet 2013 à 16:01

À suivre